La pénurie mondiale d'isotopes médicaux entraînera des hausses de coûts pour les hôpitaux québécois mais le ministère de la Santé n'exclut pas la possibilité de refiler la facture au gouvernement fédéral.

L'impact sur le budget de l'ensemble des établissements du Québec n'est pas encore connu sauf que la hausse des prix, l'utilisation de produits de remplacement et les réaménagements d'horaires du personnel hospitalier laissent déjà entrevoir des frais supplémentaires.

Le chef clinique du Centre d'imagerie moléculaire de Sherbrooke (CIMS), Eric Turcotte, a estimé mercredi que dans son établissement, la pénurie de technétium 99, un isotope utilisé principalement dans le diagnostic de maladies osseuses et cardiaques, entraîne des coûts supplémentaires de 1000 $ par jour.

«Dans les autres départements, ça doit se chiffrer dans la même gamme de prix, a-t-il dit, lors d'une entrevue téléphonique. Donc ce n'est pas quelque chose qui ne coûte pas cher.»

Le docteur Turcotte a attribué cette hausse à l'utilisation de produits de remplacement, qui ont toutefois permis jusqu'ici au CIMS d'éviter un ralentissement de ses activités et de maintenir ses 50 examens quotidiens.

Les heures supplémentaires du personnel, qui s'adapte à des horaires permettant une utilisation maximale du technétium, a aussi un impact financier sur le CIMS, qui est rattaché au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

«On s'en sort extrêmement bien pour l'instant, a-t-il dit. Tant que ça ne creuse pas plus que ça.»

Une porte-parole du ministère de la Santé, Karine White, a déclaré mercredi que l'effet de la pénurie d'isotopes médicaux, provoquée notamment par la fermeture temporaire du réacteur nucléaire de Chalk River, en Ontario, n'a jusqu'ici pas eu d'effet sur les services offerts aux patients québécois.

«On a compensé l'utilisation des isotopes par d'autres produits et pour l'instant il n'y a pas eu de manquement qui s'est fait sentir», a-t-elle dit.

Mme White a affirmé que les coûts entraînés par la pénurie de technétium sont encore inconnus mais selon elle, Québec n'écarte pas la possibilité de réclamer une compensation financière au gouvernement fédéral.

«C'est sûr que si les factures grimpent, bien entendu on va regarder avec Ottawa la possibilité d'obtenir une compensation», a-t-elle dit.

L'Ontario a déjà fait savoir son intention d'obtenir une compensation d'Ottawa à cause de la pénurie d'isotopes médicaux.

En mai dernier, le réacteur de Chalk River a été stoppé à la suite d'une fuite d'eau lourde et, en raison des travaux nécessaires, son redémarrage sera impossible avant la fin de l'année.

A cela s'est ajouté le récent arrêt de production d'un réacteur des Pays-Bas, pour une période d'un mois.

La pénurie mondiale d'isotopes médicaux a fait augmenter les prix de chaque dose à 30 $ et, en s'appuyant sur des avis formulés par des fournisseurs, M. Turcotte s'attend à une autre hausse bientôt.

«Le prix est fluctuant, a-t-il dit. Aujourd'hui on paie 30 $, demain on va peut-être le payer 45 $. C'est très variable. On ne sait pas en réalité, ce qui nous pend au bout du nez.»

M. Turcotte a affirmé que l'incertitude entourant les approvisionnements en isotopes médicaux fait en sorte que son service ne peut planifier les rendez-vous des patients à long terme.

«On ne peut pas prévoir plus que deux ou trois jours à l'avance», a-t-il dit.

Selon le médecin, même si le Québec s'en sort bien actuellement en ayant recours plus facilement que d'autres provinces à des produits de remplacement, le pire de la pénurie ne s'est pas encore fait ressentir.

«Le pire de la crise s'en vient sous peu, a-t-il dit. On n'a probablement rien vu encore.»