Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, aura demain à Montréal une rencontre cruciale avec les représentants des pathologistes et des hémato-oncologues québécois, afin de déterminer quoi faire devant les taux d'erreur anormaux dans le dépistage du cancer du sein. Ces problèmes étaient signalés dans une étude transmise à ses fonctionnaires depuis la fin avril.

Un plan d'action devrait être rendu public en début de semaine prochaine, a indiqué le ministre. Surtout, il a lancé un appel aux groupes de médecins qui seraient tentés de tirer profit de la pression exercée sur le gouvernement pour faire avancer des revendications. «Vous avez vu l'anxiété que cela causait. Je me suis engagé à donner l'heure juste, à être transparent. Je ne veux pas de négociations avec les corporations», a soutenu hier le ministre en conférence de presse.

 

Des patientes pourraient être rappelées, a convenu M. Bolduc. Les jours précédents, il avait plutôt mis en doute la valeur de l'étude du Dr Louis Gaboury. À la lumière des constats «explosifs» du pathologiste, «il y a une possibilité que des femmes ont été traitées et n'auraient pas dû l'être. Et il est possible que des femmes qui auraient dû l'être ne l'aient pas été», a résumé le ministre.

Il a soutenu qu'une employée de l'Institut national de santé publique avait eu le mois dernier seulement le «protocole et les résultats bruts, sans les conclusions» de l'enquête «préoccupante» du Dr Gaboury. Dans des «coups de sonde» (15 cas de cancer du sein soumis à 25 laboratoires de tout le Québec), le médecin a constaté que 15 à 20% des patientes avaient reçu le mauvais traitement. Dans trois labos, le taux d'erreur atteignait 30%.

«Je suis surpris de voir une telle différence entre ce que qui s'est réellement passé et ce que nous dit le ministre», a répliqué le Dr Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes.

Mmes Mélanie Cavanagh et Stéphanie Goulet, deux spécialistes du Bureau de lutte contre le cancer du ministère de la Santé, se trouvaient au congrès des pathologistes, les 24 et 25 avril dernier à Montréal, a soutenu le Dr Barrette. Or, dans un courriel au cabinet de M. Bolduc, Mme Cavanagh ne mentionne pas ce congrès. On lui a parlé vaguement de l'étude à la fin de février, explique-t-elle; on lui a maintes fois promis les résultats, mais elle n'a eu accès aux données que quelques heures avant le reportage diffusé par Radio-Canada.

Micheline Fauvel, de l'Institut national de santé publique, a obtenu l'étude par courriel le 30 avril, a-t-elle confirmé hier. À cause de problèmes de santé, elle n'en a pris connaissance que le 4 mai et a tenté en vain de joindre son auteur, le Dr Louis Gaboury, jusqu'au 26 mai en matinée.

Hier, le ministre a répété qu'il avait pris connaissance hier matin de l'étude reçue la veille seulement par le Ministère. Jusqu'ici, il avait soutenu avoir appris l'existence de cette étude mercredi dernier seulement, lors de la diffusion du reportage de Radio-Canada. À l'Assemblée nationale hier, la chef péquiste Pauline Marois et son critique à la Santé, Bernard Drainville, ont soutenu que le ministère avait été mis au courant de l'étude bien avant qu'elle ne fasse l'objet de reportages.

Indice de l'embarras du gouvernement, c'est le premier ministre Jean Charest qui a tenu à répondre à Mme Marois. «On reconnaît l'anxiété que doivent vivre des milliers de femmes qui s'interrogent actuellement sur le diagnostic et le traitement qu'elles ont reçus... On est conscients de ce que ces femmes doivent vivre, a dit M. Charest. On va faire tous les gestes pour protéger la santé de ces femmes.»

Le Dr Barrette a salué la décision de tenir une réunion au sommet demain. «On retrouve le bon sens», a-t-il observé. Selon lui, il est probable qu'on exige un réexamen des tissus prélevés dans quelque 6000 cas de cancer du sein - il ne serait pas nécessaire de reprendre les biopsies car les tissus, scellés dans la cire, sont conservés dans les dossiers, a-t-il expliqué.

Selon le ministre Bolduc, l'étude du Dr Gaboury reste préliminaire. «Elle nous éveille» à des problématiques, a-t-il dit. Il a reconnu, après une conversation avec le Dr Gaboury, que les résultats étaient «explosifs» et révélaient des différences difficiles à expliquer entre les laboratoires au Québec.

Les employés affectés à la ligne spéciale pour répondre aux inquiétudes des malades n'ont pas grand-chose à dire pour l'instant, a convenu le ministre. Tout au plus, ils indiquent que le Ministère est au courant du problème et qu'une décision sera prise sous peu, a expliqué le ministre hier.

Le Ministère examine la possibilité de mettre sur pied un système de vérification généralisée des diagnostics à l'extérieur des hôpitaux, a fait savoir M. Bolduc; certains établissements ont déjà un tel système et demandent systématiquement une contre-expertise à l'extérieur, a-t-il précisé.