S'il n'en tient qu'à la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ), le gouvernement du Québec devrait mettre immédiatement sur pied une ligne téléphonique spéciale pour répondre aux inquiétudes de patients atteints du cancer qui n'auraient pas reçu le traitement adéquat à la suite d'erreurs dans les laboratoires de pathologie québécois.

Gaétan Barrette, le président de la FMSQ, a lancé cet appel ce matin, alors qu'il qualifiait de «crise majeure» la situation qui prévaut dans les laboratoires de pathologie de la province. La FMSQ estime que la situation est toute aussi critique qu'à Terre-Neuve, où 400 femmes atteintes du cancer ont reçu un traitement inutile, voire pas de traitement du tout, après que les laboratoires aient commis des erreurs de diagnostic.

Les conclusions de la FMSQ proviennent d'une étude privée réalisée par le président de l'Association des pathologistes du Québec, Louis Gaboury. Ce dernier a fait faire de nouvelles analyses sur des échantillons de 15 patientes québécoises déjà diagnostiquées pour des cancers du sein. Ces échantillons ont été envoyés dans 25 laboratoires publics de pathologie, et les résultats d'analyses qui ont été retournés démontraient des taux de variation de 20 à 30% selon les laboratoires. «Normalement, ces-gens là (les pathologistes) devraient scorer avec une précision de 95%», soutient le Dr Barrette.

Pour Gaboury, il n'y a donc plus de doute possible: «Les conditions (de pratique qui prévalent au Québec) sont strictement les mêmes qu'à Terre-Neuve». L'année dernière, la commission d'enquête Cameron a démontré dans cette province maritime que de graves lacunes existaient dans ses laboratoires de pathologie pour les tests de diagnostic pour le cancer du sein. Des milliers de tests de diagnostic ont dû être refaits pour en arriver à cette conclusion.

Fait à noter, l'étude du Dr Gaboury, qui reste confidentielle pour le moment, a été financée à hauteur de 60 000 $ par la compagnie pharmaceutique Hoffmann-Laroche, qui fabrique le Herceptin, un médicament utilisé dans le traitement du cancer du sein. Le Dr Barrette a néanmoins soutenu que l'étude n'a «pas de biais commercial ni professionnel ».

Les conclusions du rapport, dont les grandes lignes ont été dévoilées hier par Radio-Canada, ont été présentées au ministre de la Santé, Yves Bolduc, qui a soutenu hier ne jamais y avoir été exposé auparavant.

Selon le Dr Barrette, les résultats de l'étude, bien que provenant d'un nombre très limité d'échantillons, permettent déjà de faire certaines extrapolations. «C'est clair que la grande majorité des femmes (malades du cancer) ont eu un bon diagnostic. Mais ce que les résultats impliquent, c'est qu'un bon nombre ont été bien diagnostiquées, mais on eut le mauvais traitement. Et il y a aussi aux deux extrémités de la chaîne des gens qui ont eu des faux résultats positifs et qui ont reçu des traitements pour rien, ou encore des personnes qui sont passées carrément entre les mailles du filet», a-t-il soutenu.

«Ces conclusions se transposent au cas de cancer du côlon, de cancer du cerveau, du pancréas ou des os. C'est la même chose. Tous ces diagnostics passent par la pathologie», a-t-il dit.

La FMSQ réclame la mise en place rapide d'un programme de contrôle de qualité dans les laboratoires de pathologie. «Même Toyota a un programme de contrôle de la qualité», a lancé le Dr Barrette, se moquant de l'intérêt avoué qu'a le ministre Bolduc pour les méthodes d'organisation utilisées par le fabricant automobile.

«Au Québec, il n'y a pas de problème de compétence, mais malheureusement, les pathologistes travaillent avec des outils médiocres. Les conditions de pratique sont exécrables. D'un point de vue scientifique, on est 20 ans en arrière», a tonné le Dr Barrette.

La FMSQ affirme avoir tiré la sonnette d'alarme auprès du ministre Couillard dès 2005 au sujet des problèmes dans les laboratoires de pathologie. «Depuis, rien n'a été fait», a ajouté le Dr Barrette.