L'arrêt du réacteur ontarien de Chalk River, principal fournisseur d'isotopes médicaux dans le monde, provoque une crise majeure dans les hôpitaux du Québec. Seuls les cas urgents pourront être traités.

«C'est une crise majeure et c'est la santé des gens qui est en jeu», souligne le président de l'Association des médecins spécialistes en médecine nucléaire du Québec, le Dr François Lamoureux. Il comprend d'ailleurs mal la lenteur du gouvernement fédéral à réagir.

 

Une interruption de courant a provoqué à la mi-mai l'arrêt du réacteur de Chalk River, en Ontario. Ce réacteur vieux d'une soixantaine d'années fournit du molybdène.

C'est à partir de ce produit radioactif que sont extraits les isotopes médicaux. Il s'agit de marqueurs utilisés par les médecins pour détecter des cancers et des métastases, des embolies pulmonaires et des saignements, entre autres.

Le réacteur de Chalk River fournit la moitié de la production mondiale d'isotopes médicaux. En Amérique, cette proportion grimpe à 70%. Le molybdène fourni grâce à ce réacteur permet de faire 30 000 examens chaque semaine au Canada - dont 30% au Québec - et 400 000 aux États-Unis.

Pour faire face au problème, une cellule de crise a été mise en place au Québec. Les isotopes sont maintenant réservés aux cas urgents. D'autres types d'examens seront faits lorsqu'il existe des solutions de rechange. C'est le cas notamment pour des patients qui doivent subir une chirurgie cardiaque. Un autre produit peut être utilisé.

Les quantités d'isotopes utilisés pour chaque examen seront également réduites. Cela augmentera la durée des examens, mais permettra de traiter plus de patients, explique le Dr Lamoureux.

«Nous allons nous assurer que personne ne perde la vie et que personne ne voie une détérioration de sa situation à cause de ça, mais certains traitements devront être retardés», prévient-il.

Les horaires ont aussi été modifiés. Les départements de médecine nucléaire vont fonctionner du matin au soir, de façon à utiliser au maximum les isotopes disponibles.

Le molybdène produit grâce au réacteur nucléaire a en effet une durée de vie limitée. Il perd la moitié de ses capacités au bout de deux jours. Le produit qui est extrait de cette substance, utilisé comme marqueur, a une viabilité de six heures. L'approvisionnement doit donc être constant dans les hôpitaux. Les examens seront plus nombreux dans les jours suivant les livraisons, quitte à devoir faire davantage d'examens le soir et le week-end.

Les médecins disposent toujours d'une petite quantité d'isotopes puisque le Canada tente de s'approvisionner dans les autres pays producteurs, notamment en Belgique, en Afrique du Sud, aux Pays-Bas, en Australie et en France.

Par contre, en plus du réacteur de Chalk River, deux autres réacteurs sont fermés cette semaine en raison d'un entretien préventif. L'impact de la pénurie sera encore plus grand la semaine prochaine, prévoit le Dr Lamoureux. «Nous pensons réduire nos examens à 30%.»

«La situation évolue quotidiennement, déclare la porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux, Dominique Breton. On s'est assurés que les médecins traitants ont été avisés de la problématique et que les examens prévus sont faits en fonction des priorités et de l'urgence des cas à traiter.»

Une conférence téléphonique est aussi prévue entre le Ministère et Santé Canada aujourd'hui pour faire le point.