Le gouvernement Jean Charest est conscient que les consortiums intéressés à construire le CHUM selon le mode de partenariat public-privé pourraient ne pas trouver le financement nécessaire dès maintenant, mais il croit que les marchés vont s'améliorer dans quelques semaines ou d'ici un an. Sinon, il sera prêt à faire des «ajustements».

En vertu de l'appel de propositions lancé lundi, le consortium qui raflera le contrat doit lui-même emprunter l'argent nécessaire à la construction à des institutions financières. Mais pour l'instant, l'accès au crédit est limité, en fait très difficile à obtenir.

«Le marché va changer rapidement dans les prochaines semaines, a assuré le premier ministre Jean Charest. Moi je suis confiant. Je pense qu'il y aura du financement, peu importe la source. Maintenant, comme vous, je vois un contexte économique très changeant. Si ça devait changer, le gouvernement s'adaptera. On ne veut pas décaler les échéanciers. On verra les formules qui devront être mises de l'avant pour permettre au projet de se réaliser.»

La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a fait l'apologie des projets en PPP. Malgré le resserrement du crédit partout dans le monde, plusieurs pays continuent de lancer des projets selon ce mode, a-t-elle dit. «C'est dans un an que les consortiums devront trouver le financement, a-t-elle dit. Donc, il est fort possible que les liquidités soient beaucoup plus accessibles.»

Le député péquiste Sylvain Simard, critique de l'opposition officielle en matière de PPP, accuse le gouvernement de bâtir sa stratégie autour d'actes de foi. «Le gouvernement Charest sait que les consortiums qualifiés n'ont pas le financement nécessaire, a-t-il dit. Croire que la solution, c'est probablement le retour à une santé financière mondiale dès l'an prochain, cela relève davantage du domaine de l'oratoire Saint-Joseph que de la finance publique. On en est rendu à faire des incantations et des actes de foi.

«S'il n'y a pas de retour à la santé financière, la position du gouvernement est inquiétante puisque cela veut dire qu'il sera dans un cul-de-sac et obligé de financer lui-même les groupes privés qu'il a qualifiés. Il se met dans une position où il devra prendre tout le risque financier lui-même.»

Deux consortiums ont été qualifiés pour répondre à l'appel de propositions. Chacun d'entre eux est dirigé par des firmes qui doivent trouver le financement. Elles ont le titre de «proposants». Ce sont elles qui seront propriétaires de l'hôpital pendant 30 ans. Les consortiums ont jusqu'en mars prochain pour remettre leurs soumissions.

Le premier consortium, Accès Santé CHUM, était dirigé par le groupe espagnol Acciona et la société australienne Babcock & Brown. Cette dernière s'est placée sous la protection de la loi sur les faillites, cet hiver, et a dû se retirer du consortium. Par la suite, Acciona, accablé de dettes, a été obligé de se départir d'un morceau important de ses actifs.

La semaine dernière, cette société a fait savoir qu'elle ne trouvait plus le financement nécessaire pour construire des éoliennes en PPP au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, pourtant bien moins coûteux que le CHUM. «Le projet souffre du repli économique, a indiqué Erick Schneider, d'Acciona Énergie. Les liquidités pour le capital sont rares en ce moment et ce projet (d'éoliennes) réclame beaucoup de capital.»

Le deuxième consortium est dirigé par la société britannique Innisfree et le groupe d'ingénieurs québécois Axor. À la mi-février, Tim Pearson, directeur d'Innisfree et porte-parole du Forum pour les PPP en Grande-Bretagne, a dit que le gouvernement britannique devait injecter 4 milliards de livres (environ 8 milliards de dollars) au cours des 18 prochains mois pour soutenir les consortiums impliqués dans les PPP au Royaume-Uni.

La semaine dernière, le groupe Axor a perdu l'appel de soumissions pour la construction de la salle de l'Orchestre symphonique de Montréal en PPP justement parce qu'il n'arrivait pas à trouver le financement à long terme requis, même si son projet architectural avait été jugé très bon.