À la veille du lancement officiel de l'appel de propositions pour la construction du futur Centre hospitalier de l'Université de Montréal, les plaidoyers se font de plus en plus nombreux et insistants en faveur de l'abandon du partenariat avec le secteur privé (PPP).

Les Médecins québécois pour le régime public (MQRP) et plusieurs organisations syndicales ont exhorté, hier, le gouvernement Charest à stopper le processus en cours pour revenir sans délai au mode traditionnel.

 

«Il n'y aurait que des désavantages à retenir cette formule», dénonce Marie-Claude Goulet, urgentologue au CHUM Saint-Luc et porte-parole du MQRP. L'organisation, qui regroupe quelque 200 médecins, soutient que le CHUM coûtera inévitablement plus cher aux contribuables s'il est construit en partenariat avec le secteur privé, notamment parce que les coûts d'emprunt sont plus élevés pour les sociétés privées que pour les gouvernements.

«Les contrats de PPP signés entre des sociétés privées et l'État sont extrêmement rigides, alors que les hôpitaux sont des milieux qui changent sans cesse, qui ont besoin de flexibilité. Là, le moindre changement devra être négocié par le secteur public avec le privé et entraînera des coûts pour les contribuables», dit la Dre Goulet.

Les médecins relèvent que la crise financière a profondément bouleversé les conditions dans lesquelles le projet avait été planifié à l'origine. «L'État devra augmenter sa part de financement et assurer des garanties supplémentaires à des entreprises privées susceptibles d'être en sérieuses difficultés

et même de faire faillite», estime la Dre Goulet.

Pression

Le MQRP souhaite former une coalition élargie pour accroître la pression sur le gouvernement Charest. Plusieurs représentants d'organisations syndicales, dont la CSN, la FTQ, trois organisations de travailleurs du CHUM et la coalition Solidarité Santé, ont uni leurs voix, hier, à celle des médecins. Cette requête s'ajoute à celles de l'Association des économistes du Québec, de l'Ordre des architectes du Québec et du Parti québécois, qui ont aussi, dans les derniers jours, demandé au gouvernement Charest de renoncer rapidement au PPP.

«La bonne nouvelle, c'est qu'on est encore à la case départ, alors profitons-en!» a dit hier Pierre Laliberté, de la FTQ. «On s'apprête à investir des milliards de dollars pour construire une maison dont on sera locataire pendant 30 ans? Il faut retrouver le bon sens.»

Au cours d'une réunion extraordinaire, le conseil d'administration du CHUM se prononcera ce soir sur une motion demandant officiellement au gouvernement Charest d'autoriser l'appel de propositions. Mais hier, un membre du CA, Philippe Côté, s'est plaint du manque de transparence de la direction de l'établissement.

«On devra prendre une décision importante alors que les documents ne seront déposés que séance tenante. On n'aura pas débattu du bien-fondé de recourir au PPP ou non, on ne nous a pas fourni d'éléments de comparaison», critique M. Côté, l'un des deux représentants de la population au CA.

«Les informations nécessaires pour appuyer un jugement sûr n'existent tout simplement pas. Personne ne peut garantir que les PPP (partenariats public-privé) constituent le meilleur choix pour un hôpital (et personne ne peut affirmer le contraire non plus)», estime de son côté l'économiste Pierre J. Hamel, professeur à l'Institut national de la recherche scientifique, dans une lettre ouverte envoyée vendredi dernier aux membres du CA du CHUM.

Le cabinet de la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, n'a pas commenté la sortie des médecins. Dans une entrevue accordée au Soleil samedi, la ministre a émis quelques réserves sur les PPP, qu'elle a tant vantés par le passé. «Présentement, les entreprises ont de la misère à trouver de la liquidité et il va donc falloir qu'on trouve une façon de remettre le risque au secteur privé pour ne pas que le gouvernement le prenne», a-t-elle affirmé.

«On doit trouver une façon de trouver les liquidités et le financement. On va regarder. Je suis sûre qu'il y a des solutions parce que tous les pays font du PPP», a-t-elle toutefois précisé.

La Presse a révélé vendredi que les consortiums en lice pour la construction du CHUM demandent maintenant une garantie financière de plusieurs centaines de millions de dollars au gouvernement du Québec, sous peine d'abandonner le projet. Aux prises avec le resserrement du crédit découlant de la crise financière, ces consortiums ne parviennent pas à emprunter les sommes requises à long terme. Ils demandent à Québec de leur rembourser une bonne partie des coûts de construction du CHUM dès la fin des travaux.