Le soir du Nouvel An, un suicide familial a ébranlé Saguenay. Des difficultés financières avaient poussé les parents au désespoir. Cette tragédie se reproduit un peu partout dans le monde. Des banquiers mettent fin à leurs jours après avoir perdu des centaines de millions de dollars, des familles de la classe moyenne sont frappées par le suicide parce que la banque est sur le point de saisir leur maison.

Et pourtant, le lien entre le suicide et les récessions fait toujours couler beaucoup d'encre dans les milieux spécialisés. La majorité des études indiquent que les crises économiques font bondir le nombre de suicides, mais certains chercheurs ont des chiffres montrant le contraire.

«Quand on est en mode survie, on ne pense pas nécessairement à mourir», estime André Landry, directeur général de Suicide Action Montréal, qui note qu'en 1929, le début de la Grande Dépression, le taux de suicide n'a pas augmenté.

Néanmoins, l'Organisation mondiale de la santé a sonné l'alarme en octobre, avertissant que les problèmes de santé mentale sont exacerbés par les crises financières, alors même que les gouvernements, occupés à sauver les meubles, ont moins de ressources à consacrer aux soins psychiatriques. L'OMS a affirmé que les récessions augmentent le taux de suicide, tant chez les pauvres que chez les riches banquiers.

Les premières études sur le sujet sont apparues à la fin des années 70 aux États-Unis. Un rapport gouvernemental néo-zélandais notait en 2005 que ces études ont été confirmées à la fin des années 90 par un économiste américain, Christopher Ruhm, qui a calculé que les récessions augmentaient le nombre de suicides, mais diminuaient le taux de mortalité en général parce que les chômeurs ont davantage le temps de faire de l'exercice et font moins d'excès de table. Depuis, d'autres études ont montré que c'est surtout les jeunes hommes, et en particulier les jeunes hommes incapables d'entrer sur un marché du travail bloqué, qui voient leurs risques de suicide augmenter.

Une rapide analyse des données québécoises montre qu'il y a un décalage entre les récessions et l'augmentation du nombre de suicides. Lors de la récession et de l'augmentation du chômage du début des années 90, il a fallu attendre 1993 pour que le taux de suicide commence à augmenter. La reprise économique, à partir de 1993, n'a été suivie par une baisse du taux de suicide qu'à partir de 1999, notamment à cause de la déprime économique qui a suivi le référendum de 1995.