On en ignore les raisons, mais la nouvelle est à marquer sobrement d'une pierre blanche. L'année 2007 est celle où on a déploré le moins de morts par suicide au Québec de mémoire de statisticien, selon le dernier rapport de l'Institut national de santé publique.

Selon les données provisoires, 1091 personnes se sont enlevé la vie cette année-là, dont 858 hommes et 232 femmes. On est loin du sommet de 1620 décès atteint en 1999, dans la foulée du suicide très médiatisé de Gaétan Girouard. Ce bilan, ainsi que le taux de 14 décès par 100 000 personnes atteint en 2007, est le meilleur depuis que l'INSPQ compile ces statistiques, soit 1976. «On est très contents de ce résultat, mais la guerre n'est pas gagnée, dit Julie Campbell, présidente de l'Association québécoise de prévention du suicide. C'est important de rester vigilant. C'est probablement cette vigilance et l'énergie qu'on y met qui font qu'on arrive à avoir un impact.»

Révélée à l'occasion de la semaine de la prévention du suicide, qui a commencé hier, la baisse est marquée dans tous les groupes d'âge et est valable tant pour les hommes que pour les femmes. Comment l'expliquer? S'il y a souvent plusieurs causes menant au suicide, il semble qu'il y en ait autant pour expliquer son recul, répond Mme Campbell. Première piste: le suicide du journaliste Gaétan Girouard il y a 10 ans a, dans un premier temps, entraîné une hausse vertigineuse du nombre de suicides. Selon une recherche publiée en 2005 par l'UQAM, cet événement et sa large couverture médiatique auraient à eux seuls causé directement une dizaine de suicides.

Mais le drame a aussi eu des effets positifs, estime Mme Campbell. «On sait par le terrain que le suicide de Gaétan Girouard a quand même amené beaucoup de changements dans l'approche, au niveau du tabou. On en a beaucoup parlé à la suite de son suicide. Depuis le nouveau plan de santé mentale, on a eu beaucoup plus de services offerts qui font que ces gens-là sont rejoints beaucoup plus facilement.»

Cette bonne nouvelle relative cache cependant de profondes disparités entre les âges, les sexes et les régions. Le taux de suicide chez les hommes demeure près de quatre fois plus élevé que chez les femmes, de 22,3 décès par 100 000 personnes contre 5,8 décès.

«Quatre fois sur cinq, c'est un homme qui met fin à sa vie, c'est énorme, dit le comédien Nicolas Canuel, porte-parole. Pour moi, c'est l'expression du mal de vivre au masculin. Est-ce que c'est un problème d'identité masculine? Est-ce que les grands changements sociaux provoqués au Québec par la Révolution tranquille auraient oublié l'homme? Est-ce que toutes ces raisons auraient une résonance sur le taux de suicide?»

Chose certaine, estime le comédien, «l'image de l'homme fort perdure. L'homme qui garde encore tout pour lui à l'intérieur, mais qui est néanmoins rongé par ses émotions, ses craintes, et la peur d'avoir l'air faible s'il en parle».

D'une région à l'autre, le portrait est également très varié. Le Québec des régions est nettement plus frappé par le suicide, avec des taux au-dessus de 20 décès par 100 000 personnes en Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, en Abitibi-Témiscamingue, dans le Bas-Saint-Laurent et en Mauricie-Centre-du-Québec.

C'est dans les régions urbaines, dans la grande région de Montréal, qu'on trouve les taux les plus bas, notamment à Laval où on affiche un taux de 10,7 décès par 100 000 personnes.

Enfin, de tous les groupes d'âge, ce sont les 35-49 ans qui sont les plus touchés par le suicide, hommes comme femmes. Les premiers ont un taux de 21,9 décès par 100 000 personnes, les secondes de 9,7 décès.

Où trouver de l'aide?

«Y avez-vous déjà pensé?» C'est cette question qu'on a choisie cette année pour illustrer la campagne de prévention du suicide. L'outil que l'on souhaite faire connaître, c'est d'abord la ligne d'aide 1-866-appelle (1-866-277-3553), «disponible en tout temps, où il y a toujours quelqu'un pour répondre, une vraie personne», explique Julie Campbell, présidente de l'Association québécoise de prévention du suicide. Le site Internet www.aqps.info propose également une panoplie de ressources pour venir en aide à des proches, intervenir après un suicide, comprendre ce phénomène encore tabou.