Les compressions à l'aide sociale appauvriront les pauvres, et les belles promesses du gouvernement péquiste n'y changeront rien pour l'instant, dénonce Québec solidaire.

Malgré des compressions de 20 millions dans les prestations à l'aide sociale, la ministre de l'Emploi et la Solidarité sociale, Agnès Maltais, assure qu'elle améliorera la situation des démunis grâce à de nouveaux programmes en préparation. «Mme Maltais commence par couper puis dit: croyez-moi sur parole, mon plan va fonctionner. Je lui réponds: c'est fini, le temps où on croit des politiciens sur parole», tonne la co-porte-parole de Québec solidaire, Françoise David.

Juste avant le congé de la relâche, Mme Maltais a dévoilé dans la Gazette officielle un nouveau règlement sur l'aide sociale. Elle éliminera l'allocation spéciale de 129 dollars pour les gens de plus de 55 ans et les parents d'un enfant de moins de cinq ans. Cette allocation supplémentaire servait à compenser davantage ces deux groupes pour leur obstacle supplémentaire à la recherche d'un emploi. Leur prestation passera donc de 733 à 604 dollars, une baisse d'environ 20%. Son ministère épargne ainsi 20 millions de dollars par année.

En contrepartie, Mme Maltais doit proposer pour certains prestataires une allocation supplémentaire de 195 dollars, durant une durée limitée de six mois, s'ils participent à «Tous pour l'emploi», un programme de réinsertion pas encore en place qui devrait comprendre «des subventions salariales élargies à toutes les entreprises». Même si elle avance qu'il n'y a pas de compressions et que la mesure sera globalement positive, la ministre ne s'en est pas vanté. Elle n'a pas prévu aucune conférence de presse pour l'annoncer officiellement.

«Elle a annoncé ça en cachette, et on comprend pourquoi, lance la libérale Karine Vallières. Pour un gouvernement qui se vante de sa transparence, on se repassera.»

À l'étude des crédits, Mme Vallières avait demandé à la ministre d'où proviendraient les compressions prévues de 51 millions. «Elle n'a jamais évoqué ces coupures, rappelle-t-elle. Et ces coupures se font à l'aveuglette. Il n'y a pas d'études pour en évaluer l'impact. Mme Maltais accuse le fédéral de faire la même chose. Elle a perdu toute crédibilité pour les critiquer.» La libérale demande au gouvernement péquiste de reculer.

La Coalition avenir Québec (CAQ) critique surtout «la forme» de l'annonce. «L'annonce a été faite en cachette, et il n'y a pas d'étude d'impact», renchérit le caquiste Sylvain Lévesque. Il croit toutefois qu'il y a «trop de gens sur l'aide sociale». «L'aide sociale ne doit pas être un mode de vie, on est d'accord avec cet objectif. Il faut mieux utiliser l'argent de ces programmes. Mais il faudrait faire une étude d'impact pour bien s'y prendre.»

On appauvrit les pauvres, dénonce David

Françoise David est sceptique. Elle dit ne pas douter des «bonnes intentions» de Mme Maltais. Mais elle ne croit pas que les programmes à venir aideront à indemniser tous les prestataires qui subiront une baisse de 129 dollars.  «Des programmes pour tout le monde, je n'en ai jamais vu, et je m'occupe de ce dossier depuis plus de 25 ans», lance-t-elle.

Et même si c'était le cas, ce serait insuffisant, poursuit-elle. «Si la personne ne trouve pas d'emploi après six mois, il se passe quoi pour elle ? Elle retourne sur l'aide sociale avec 129 dollars de moins. C'est une coupe, ça!»

Selon elle, la ministre aurait dû procéder dans l'ordre contraire. «Il y a plus d'une quarantaine de magnifiques entreprises de réinsertion au Québec. Elles ont un taux de placement assez intéressant, surtout avec les 18-30 ans. On pourrait doubler le nombre d'entreprises de réinsertion. Si j'avais été ministre, j'aurais d'abord ouvert ces programmes, le plus largement possible. Et ensuite, j'aurais fait le bilan, pour voir ce qu'on peut faire»

La ministre Maltais a dit qu'elle faisait «le pari» que les prestataires visés trouveraient un emploi après six mois. Elle soutient en outre que les 55 ans ne sont plus désavantagés par leur âge, et ne devraient donc plus recevoir de prestation additionnelle pour être aidés davantage.

Françoise David n'est pas d'accord. «Et surtout, insiste-t-elle, il faut rappeler que le niveau actuel des prestations (604 dollars par mois) est très, très bas. Ça n'a plus rien à avoir avec le coût de  la vie. Après leur arrivée au pouvoir en 2003, les libéraux l'avaient indexé seulement à moitié. Or, chaque fois qu'on appauvrit une personne sur l'aide sociale, on crée un obstacle supplémentaire à son arrivée sur le marché du travail pour se sortir de la pauvreté. Des études, comme celle d'Alain Noel de l'Université de Montréal, l'ont démontré. On ne peut pas appauvrir les plus pauvres sous prétexte de voir retrouver l'équilibre budgétaire.  En 1996, pour les mêmes raisons, un gouvernement péquiste  avait coupé chez les plus pauvres. Et là, on revoit la même chose arriver.»