La première ministre Pauline Marois a voulu garantir à des représentants de grandes sociétés françaises, hier, que son gouvernement poursuivra le Plan Nord, mais en lui apportant des modifications. Ils avaient, de son propre aveu, «plusieurs questions» quant à ses intentions. Et ils ont été «plutôt rassurés», selon l'un d'eux.

Au dernier jour de sa visite à Paris, Pauline Marois a eu une rencontre privée avec quelques membres du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), principale organisation patronale du pays. Une dizaine de représentants de sociétés françaises - dont certaines ont des filiales au Québec - étaient présents (Total, GDF Suez - tous deux du secteur pétrolier et gazier -, Alstom, Air Liquide, Ubisoft et Veolia, entre autres).

«Je n'avais pas nécessairement à les rassurer, mais ils avaient des questions à poser, plusieurs questions», a affirmé Mme Marois dans une conférence de presse où elle a dressé le bilan de sa visite de trois jours à Paris. «Ce que je leur ai dit, c'est que nous allions continuer à développer le Nord, en respect des peuples autochtones et des Premières Nations qui occupent le territoire, et avec un certain nombre de changements que nous allons apporter.»

Parmi ces changements, elle a souligné la hausse des redevances sur la valeur brute des ressources minières, la création d'un impôt sur le surprofit et l'adoption d'une nouvelle politique faisant en sorte que les sociétés paient d'une façon ou d'une autre une partie de la facture de construction des infrastructures qui répondent essentiellement à leurs besoins dans le Nord. Ces changements seront apportés «dans les prochains mois», mais le gouvernement garde «le cap sur le développement du Nord», a indiqué

Mme Marois. Ce développement sera «durable», «respectueux de l'environnement», a-t-elle dit dans son allocution prononcée à huis clos, mais dont une copie a été remise aux médias.

Pauline Marois a fait savoir aux patrons français que son gouvernement souhaite mettre en valeur la deuxième et la troisième transformation parce que «les retombées en termes de création de la richesse doivent revenir entre les mains de tous les Québécois». Elle envisage d'ailleurs de créer de nouveaux incitatifs fiscaux pour «faciliter les investissements» dans ce secteur. L'expression «Plan Nord», associée à Jean Charest, était honnie dans les rangs péquistes jusqu'à maintenant. Mais depuis deux jours, Pauline Marois et son entourage se sont mis à l'utiliser. Les péquistes préféraient parler d'une politique de développement du Nord. L'expression Plan Nord, «ça n'a jamais été vraiment un tabou». «Nous ne sommes pas d'accord avec certains des aspects du Plan Nord. On l'a toujours dit», a expliqué Mme Marois.

Les patrons se réjouissent

D'après Pierre Dufour, directeur général délégué d'Air Liquide et président du Conseil des chefs d'entreprise France-Québec au MEDEF, les patrons français «ont été plutôt rassurés» par les propos de Pauline Marois. «Ils voulaient comprendre si le Plan Nord était toujours d'actualité et comment il serait modifié. On sent que Mme Marois n'était pas là pour mettre de côté le Plan Nord, mais pour le faire marcher. Elle est dans la continuité, pas dans le déni de ce qui s'est fait avant», a-t-il expliqué. Ce fut selon lui une rencontre «très positive» et «pragmatique».

Yves Caouette, vice-président de Veolia, a affirmé que les déclarations de Mme Marois sur les enjeux économiques ne représentent rien de neuf par rapport à ce qu'a dit Jean Charest à la même tribune l'an dernier. «J'ai senti une volonté de participer au développement économique, de prendre les bonnes décisions qui vont faire avancer le Québec. Comment ça va se matérialiser? Ça va être les semaines et les mois à venir qui vont le déterminer», a-t-il soutenu.

Dans les échanges avec la France, Pauline Marois veut s'inscrire «dans la continuité», pas la «rupture», avec ce qu'a fait Jean Charest. Elle veut entamer une «nouvelle phase» dans les relations France-Québec sur le thème de «l'innovation» et de la «créativité». La «jonction entre la création artistique et entrepreneuriale» - incarnée par le Cirque du Soleil, Sid Lee, Moment Factory et Robert Lepage - est un «créneau d'avenir porteur», a précisé le ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée. Québec veut faire de l'événement d'affaires C2-MTL «le Davos de l'innovation et de la créativité».

Pauline Marois a rencontré les anciens premiers ministres Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon, tous issus de la droite qui est aujourd'hui dans l'opposition en raison de la victoire des socialistes. «On a toujours eu de bonnes relations» avec les partis au pouvoir au Québec, «mais c'est vrai qu'on a une petite proximité sentimentale avec le Parti québécois», a confié M. Fillon. Les socialistes sont quant à eux très proches des péquistes. Selon le ministre Pierre Moscovici, le tiers du gouvernement était à la réception donnée par la délégation du Québec mardi soir. Il se rendra au Québec en mai. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault le précédera, en février.