La volonté de la première ministre Pauline Marois de retourner sur la scène du Métropolis malgré l'intervention de ses gardes du corps suscite des questions et ouvre la porte à un examen de conscience sur la sécurité des politiciens.

L'équilibre est fragile entre la proximité nécessaire des élus avec le public et le devoir d'assurer leur sécurité.

C'est particulièrement vrai au Canada, pays libéral en ce sens, souligne Luc Hébert, criminologue de l'Université de Montréal et ancien policier de la Sûreté du Québec (SQ) affecté à la protection des personnalités publiques.

«En termes de sécurité, Mme Marois n'aurait jamais dû revenir là», estime M. Hébert. Aux États-Unis, par exemple, les agents des services secrets auraient carrément sorti le président Barack Obama de la salle.

Au Canada, ce pouvoir n'existe pas. «La police a un pouvoir de conseil et d'influence qui est non négligeable, mais ultimement, c'est le politicien qui décide», explique M. Hébert.

C'est pourquoi le lien de confiance entre le politicien et son garde du corps est très important.

Des pratiques à revoir

Les événements récents devraient inciter la société à revoir cette conception de la sécurité, croit le spécialiste.

Comme policier, Luc Hébert a notamment assuré la sécurité des anciens premiers ministres René Lévesque et Robert Bourassa.

Un jour, il se rappelle s'être montré particulièrement convaincant auprès de René Lévesque afin qu'il accepte de porter un gilet pare-balles. Il faisait l'objet de menaces, mais refusait cette intervention.

L'idée est de trouver un équilibre «entre le besoin du politicien, qui est de se faire aimer, d'être en contact avec le monde» et sa sécurité, souligne M. Hébert, rappelant que le Québec n'est pas à l'abri d'attentats, comme on l'a vu mardi.

Des politiciens près des gens

La situation n'est pas la même ici comparativement aux États-Unis, acquiesce l'ex-ministre libéral Jacques Dupuis, ancien responsable de la Sécurité publique.

«On vit dans une société où il y a plus de proximité entre les politiciens et la population, explique-t-il. On vit aussi dans une société qui n'est pas très habituée à des gestes de violence.»

Comme ministre, M. Dupuis reconnaît d'ailleurs avoir été parmi ceux qui étaient «un peu réfractaires» à la présence constante d'un garde du corps. Le week-end, il aimait partir seul, sans escorte.

Au Québec, le premier ministre est accompagné en tout temps d'au moins deux policiers de la SQ de l'unité de protection des personnes tandis qu'un autre suit le chef de l'opposition officielle. En campagne électorale ou lors d'événements spéciaux, leur nombre augmente.

Les ministres et le chef du deuxième parti d'opposition sont accompagnés d'un agent spécial qui relève du ministère de la Sécurité publique. C'est une recommandation et non une obligation.

Ces gardes du corps sont le dernier rempart de protection.

En première ligne, des enquêteurs colligent les renseignements en matière de sécurité, pour éviter que des menaces soient mises à exécution.

Les politiciens sont généralement informés au minimum des menaces qui les concernent.

«J'ai été informé d'un événement quand l'individu a été arrêté et accusé», confie ainsi M. Dupuis.

En deuxième ligne, avant le dernier rempart, les agents de la SQ travaillent aussi sur le terrain à «sécuriser» les lieux lors d'événements publics. Ils collaborent alors avec le corps de police de l'endroit pour établir un périmètre de sécurité extérieur.