Avec sa croisade en faveur de la laïcité, le Parti québécois entraîne le Québec sur la pente dangereuse de l'intolérance envers la communauté juive, pense la Congrès juif québécois.

Rarement une semaine ne passe sans «que les journaux québécois» ne rapportent des histoires sur le «problème des juifs», a affirmé le président du Congrès, Adam Atlas, dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne.

«Nous nous sentons stigmatisés et c'est très troublant pour nous», a soutenu M. Atlas, dont l'organisme regroupe 96 000 membres.

En outre, le Congrès juif québécois porte un jugement très dur à l'égard du rôle joué par le PQ dans le débat sur la laïcité et les accommodements raisonnables.

«Nous sommes très, très désappointés, en particulier par le Parti québécois, qui n'est plus celui de Lucien Bouchard, de Bernard Landry ou de René Lévesque, qui auraient pu engager un dialogue constructif avec les communautés culturelles», a-t-il évoqué.

Le Parti québécois, selon lui, compte «quelques interlocuteurs» qui veulent imposer au Québec une vision de la laïcité qui suscite une vive inquiétude dans la communauté juive.

Nombre de Québécois de confessions juives se sentent ainsi «ostracisés» et «ciblés» comme étant «les seuls» qui ne se comportent «pas comme les autres» dans la société civile.

«Personne n'a le monopole de l'identité québécoise. Je ne crois pas que pour être Québécois, nous devons être moins juifs, ou moins chrétiens ou moins quoi que ce soit. La société se dit ouverte et tolérante mais les gestes que l'on voit maintenant vont à l'encontre de ces principes», a soutenu M. Atlas.

Le leader juif donne comme exemple le récent débat sur les garderies confessionnelles qui s'est transformé, selon lui, en quasi tribunal d'inquisition.

«Pourquoi invitons-nous des milliers de gens de partout dans le monde à vivre ici quand on fait une espèce d'inquisition de la laïcité sur le dos des petits enfants de trois ans?», a-t-il lancé.

Aux yeux de M. Atlas, l'«obsession» identitaire qui anime le PQ et qui s'est emparée du Québec ces derniers mois est plutôt gênante.

«On ne voit pas cette obsession ailleurs en Amérique du Nord», a-t-il analysé.

Même s'il évite de parler d'antisémitisme, M. Atlas dit percevoir de «l'intolérance» dans les sorties du Parti québécois au sujet de la laïcité.

«Dans les propos récents, il semble y avoir un ton d'intolérance mais je n'irai pas jusqu'à y voir de l'antisémitisme. Cependant, la communauté que je représente est très inconfortable aujourd'hui. Après 250 ans de contribution à la société québécoise, on ne s'attend pas à ça», a-t-il dit.

Plus mesuré dans ses propos, le Centre islamique libanais de Montréal partage néanmoins largement l'inquiétude exprimée par le Congrès juif québécois.

Les partis d'opposition, comme le gouvernement, se laissent trop facilement distraire par des anecdotes montées en épingle dans les médias, a dit la porte-parole du Centre, Carmen Chouinard.

De l'avis de cette femme convertie à l'Islam depuis dix ans, la controverse du niqab rapportée et décortiquée des jours durant par les journaux a été nettement excessive.

Mme Chouinard s'inquiète, par ailleurs, du projet de Charte de la laïcité que caresse le Parti québécois. Elle redoute surtout l'introduction d'un code vestimentaire dans la fonction publique.

«Je pense qu'il y a de quoi s'inquiéter. C'est dire qu'au Québec, on est tolérant avec tout le monde, tout le monde peut s'habiller n'importe comment, sauf les musulmans et les juifs», a-t-elle dit.