Alors qu'en octobre, le gouvernement avait promis 3,5 millions de dollars d'argent frais aux entreprises d'économie sociale, il change aujourd'hui son fusil d'épaule. C'est maintenant ces entreprises, qui peinent déjà à arriver, qui devront trouver cet argent pour venir en aide à des milliers de personnes âgées isolées. Une situation «indécente» selon les organismes concernés.

Au Québec, une centaine d'entreprises d'économie sociale aident chaque année 76 000 personnes âgées dans les tâches quotidiennes - ménage, préparation des repas, visite chez le médecin, etc. Depuis 12 ans, les subventions gouvernementales stagnent.

«Au départ, nos tarifs étaient de 12 $ l'heure. Maintenant, nous sommes à 18 $. L'aide gouvernementale stagne à 10 $. Nos clients doivent payer une part de plus en plus grande de la facture. Plusieurs préfèrent ne plus utiliser nos services», dit le directeur général de la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec, Benoît Caron.

Le 2 octobre, le gouvernement a annoncé en grande pompe qu'il mettait fin au gel des subventions en accordant 3,5 millions d'argent frais aux entreprises d'économie sociale.

Cette aide financière aurait permis aux clients de recevoir jusqu'à 1 $ de plus en subvention par heure de service. «Mais la semaine dernière, le gouvernement nous a dit qu'il n'avait plus les moyens, dit le responsable des communications au Chantier de l'économie sociale, Jacques Hérivault. Les 3,5 millions devront maintenant être financés à même le programme. Ce revirement est critique.»

Au cabinet de la ministre déléguée aux services sociaux, Lise Thériault, on confirme que la subvention de 3,5 millions a été modifiée. «Jusqu'en avril, la subvention sera disponible. Mais après, il faudra trouver un moyen de l'autofinancer», a expliqué l'attaché de presse de la ministre Thériault, Harold Fortin.

M. Fortin assure que le gouvernement a fait preuve de bonne foi dans ce dossier. «Mais le contexte budgétaire n'est pas excellent. Il faut trouver le juste milieu entre l'aide accordée aux entreprises et celle apportée à leurs clients», ajoute-t-il.

«Depuis des années, on peine à arriver. Ce que le gouvernement fait aujourd'hui est indécent», croit M. Caron, qui prévoit déjà que les entreprises d'économie sociale, principalement des organismes à but non lucratif et des coopératives, devront augmenter leurs tarifs. «En bout de piste, c'est les clients qui paieront. Ils recevront plus d'argent, mais nous devrons augmenter nos tarifs. C'est du pareil au même», dit Marie-Claude Gasse, porte-parole de la Coalition des entreprises d'économie sociale en aide domestique.

La Lavalloise Gertrude Gouin reçoit de l'aide d'une entreprise d'économie sociale depuis des années. «Une dame vient laver mes planchers, ma salle de bains et mon lit deux fois par mois, explique la dame de 93 ans. Je ne suis plus capable de faire tout ça. Je ne veux pas aller en résidence. Ce service m'aide à rester à domicile.» Mme Gouin ne craint pas trop l'augmentation des tarifs, car elle peut «se le permettre». «Mais je comprends que, pour les plus démunis, ça pose problème», dit-elle.