Critiquée par le vérificateur général du Québec, l'attribution de contrats «de gré à gré», sans appel de soumissions, a augmenté rapidement depuis 2003 à Transports Québec.

De 277 contrats accordés sans concours en 2003-2004, on est passé à 574 en 2005-2006 et à 955 en 2008-2009. Au terme des six premiers mois de 2009, on en était déjà à 559 contrats sans appel d'offres, dont 358 (64%) étaient de plus de 100 000 $, révèlent les documents obtenus par l'ADQ grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Dans son rapport, à la mi-novembre, le vérificateur général, Renaud Lachance, a constaté que, dans un échantillon réduit de quatre régions, 20 des 23 contrats alloués sans appel d'offres l'avaient été pour des raisons discutables. On plaidait souvent l'urgence alors que les travaux ne débutaient que plusieurs mois après l'adjudication du contrat. Le Ministère soutenait aussi que l'entreprise choisie n'avait pas de concurrente, ce qui était souvent erroné.

«Au moment où on demande aux municipalités de se doter de codes d'éthique rigoureux, Transports Québec devrait commencer par faire son ménage», a dit sans détour Sylvie Roy, critique de l'ADQ dans ces dossiers. La ministre Julie Boulet «a passé l'automne à soutenir en Chambre que tout est fait selon les règles. Or, il est clair que l'élastique de l'éthique a été pas mal étiré», a résumé l'adéquiste de Lotbinière.

Chaque fois, Québec soutient que toutes les règles de déontologie ont été respectées «et on apprend qu'ils ont donné des contrats à une firme qui s'est rendue coupable de collusion», a relevé Mme Roy.

Dans la liste des contrats «de gré à gré», on observe de nombreux et lucratifs mandats «de surveillance» confiés à de grandes firmes de génie-conseil. Par exemple, Cima-Dessau-Soprin a reçu 3,9 millions de dollars pour surveiller les travaux du pont de l'autoroute 20 qui enjambe la rivière Richelieu. «Pouvait-on plaider l'urgence? L'absence de concurrence? Cela me paraît bien douteux», a observé Mme Roy. La même firme a eu aussi un mandat de surveillance de l'échangeur Turcot - un contrat déjà révélé par La Presse.

Lors de l'annonce d'une série de mesures pour répondre au vérificateur, la ministre Boulet avait d'ailleurs déclaré à l'Assemblée nationale que ces contrats de « surveillance », où une firme se limite à vérifier la conformité de travaux réalisés par d'autres, feraient désormais l'objet d'appels d'offres publics.

En Chambre, le gouvernement s'était surtout expliqué jusqu'ici en soutenant que, dans l'ensemble des mandats, la proportion de contrats attribués sans appel d'offres n'avait pas augmenté. Comme Québec alloue davantage de contrats - les travaux routiers ont servi à stimuler l'économie -, il est normal que le nombre de contrats attribués sans soumission augmente aussi, a expliqué à maintes reprises le ministre délégué aux Transports, Norman MacMillan.

Selon des données de Transports Québec obtenues par Mme Roy, il n'y a pas que le nombre de contrats alloués sans appel d'offres qui augmente. Leur valeur a aussi augmenté en flèche. Par exemple, pour les six premiers mois de 2009, les 559 contrats alloués valaient 240 millions au total. Or, les contrats de plus de 100 000 $ comptent pour 205 millions de cette somme. Le contrat moyen sans appel d'offres était de 430 000 $ en 2009, il était de 345 000 $ l'année précédente et de 290 000 $ en 2007-2008.