Les problèmes d'organisation du travail dans le réseau de la santé coûtent chaque année près d'un demi-milliard aux contribuables québécois. Le recours à des «employés indépendants», essentiellement des infirmières travaillant pour des agences privées, et les heures supplémentaires qui doivent être payées dans les hôpitaux pèsent très lourd dans le budget de la santé, a révélé lundi le ministre Yves Bolduc.

En conférence de presse, lundi, le gouvernement a confirmé qu'il offrait une entente sur 5 ans, sans gel salarial, aux 475 000 syndiqués du secteur public. Selon la présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay, les augmentations salariales ne devront pas dépasser 7% pour toute cette période - une augmentation de 2,3 milliards du cadre financier du gouvernement. Le Front commun des centrales réclamait 11,2% d'augmentation, une facture de plus de 3 milliards sur 3 ans seulement.Pour Québec, les hausses proposées représentent une augmentation moyenne de 1,4% sur les cinq années de la prochaine convention. Les hausses des trois premières années devront être «limitées», a prévenu le gouvernement. Pour les quatrième et cinquième années, le gouvernement propose d'ajouter aux augmentations de salaire si l'économie du Québec le permet. Ces majorations seront accordées si le PIB nominal (y compris l'inflation) augmente de plus de 4,2%, un rythme de croissance plutôt exceptionnel au cours des 20 dernières années.

«La crise économique a forcé des centaines de milliers de citoyens à revoir leurs priorités. Le gouvernement a le devoir de faire de même», a dit Monique Gagnon-Tremblay, qualifiant de «réaliste et responsable» la proposition faite lundi par le gouvernement.

Québec est prêt à injecter dans les conditions de travail les économies réalisées grâce à la réorganisation du travail. Or, les possibilités sont importantes, a fait valoir Yves Bolduc. Québec paie de deux à trois fois le prix pour des employés du réseau de la santé; pas moins de 10 millions d'heures sont travaillées par des salariés «indépendants» dans les établissements, ce qui représente une facture de 367 millions par année. Quant aux heures supplémentaires, souvent obligatoires dans les hôpitaux, les 5 millions d'heures réalisées à taux et demi représentent une facture supplémentaire de 186 millions, a fait valoir M. Bolduc.

Relancée sur la possibilité que certains groupes, les agents de la Sûreté du Québec ou les juges, par exemple, puissent bénéficier d'augmentations plus généreuses, Mme Gagnon-Tremblay a martelé que «le cadre financier est le même pour tous», avant d'ajouter qu'il peut «y avoir des problématiques particulières» et que le gouvernement aura «des enveloppes particulières» pour y faire face.

Le gouvernement veut sortir des sentiers battus avec cette négociation, a indiqué Mme Gagnon-Tremblay. C'est ainsi que Québec a choisi comme négociateur Me Pierre Pilote, du bureau Gowling Lafleur, un avocat qui n'a guère d'expérience de négociation - sa pratique portait surtout sur des litiges en relations de travail auprès de tribunaux administratifs. Aux deux dernières campagnes électorales, il a été le négociateur personnel de Jean Charest pour les débats télévisés des chefs.

Du côté syndical, on n'était pas tendre au sujet de ce dépôt patronal, qui représente «un décalage énorme» par rapport aux attentes des employés, ont indiqué les centrales du front commun.

Selon le vice-président de la CSN, Louis Roy, une fois les factures de l'équité salariale payées, l'augmentation de 7% en 5 ans pourrait se transformer en augmentations de salaire dérisoires. «On s'approche du taux d'alcool jugé acceptable pour un conducteur», ironise le syndicaliste - le gouvernement a l'intention de ramener le taux d'alcoolémie permis à 0,05 g d'alcool par 100 ml de sang.

«Ce qu'on nous offre aujourd'hui est carrément inacceptable. La distance entre nos demandes et ces offres est énorme», a renchéri Daniel Boyer, de la FTQ.

Selon M. Roy, les employés du secteur public n'ont pas à contribuer davantage aux réductions de dépenses - Québec veut ramener la croissance des dépenses de 4,6 à 3,2% par année, l'équivalent d'une compression de 900 millions par année.

Déçues, les centrales constatent toutefois avec satisfaction que Québec semble tenir à une négociation. En 2005, la loi 142 avait décrété pour cinq ans les conditions de travail - le décret se termine en avril 2010.

Selon Mme Gagnon-Tremblay, les augmentations offertes représentent presque la moitié de la croissance des dépenses des 5 prochaines années, soit 7% sur des dépenses qui augmenteront de 16% - 3,2% sur 5 ans. Il n'est pas question d'imposer un gel salarial, a indiqué la ministre dans les échanges qu'elle a eus, dimanche, avec les dirigeants syndicaux.