Le Parti québécois croit qu'en refusant de déclencher dès maintenant une enquête publique sur le milieu de la construction, le gouvernement laisse planer un doute sur ses véritables motifs.

Le porte-parole péquiste en matière de sécurité publique, Bertrand St-Arnaud, a soutenu jeudi que les libéraux du premier ministre Jean Charest invoquent de faux prétextes en soutenant qu'il faut attendre les conclusions des enquêtes policières avant d'aller plus loin.

M. St-Arnaud a estimé que les plus récentes allégations de collusion, dans le secteur de la construction, viennent une fois de plus démontrer la nécessité de déclencher une enquête publique afin d'avoir une vision d'ensemble de la situation.

«La police fait son travail mais sur des cas individuels, a-t-il dit lors d'une entrevue téléphonique. Elle ne fait pas la lumière sur l'ensemble du système actuel d'octroi de contrats publics de construction. Elle ne s'interroge pas sur la problématique plus large.»

Selon le député, en refusant d'aller de l'avant avec une enquête publique, qui pourrait éventuellement permettre de modifier les règles d'appels d'offres publics, le gouvernement prête flanc à toutes sortes d'hypothèses.

«C'est sûr qu'en n'agissant pas, le gouvernement fait surgir des points d'interrogation, a-t-il dit. Il laisse planer un doute.»

Dans un reportage diffusé mercredi par Radio-Canada, un ancien conseiller au ministère des Transports a soutenu que de grandes entreprises du secteur de la construction routière s'entendent pour fausser les appels d'offres publics et gonfler les prix, dans la région de Montréal.

Munie d'une étude indiquant que les coûts d'un kilomètre de route sont 37 pour cent plus élevés au Québec qu'ailleurs au Canada, l'Action démocratique est aussi revenue à la charge, jeudi, pour réclamer la tenue d'une enquête publique.

«Devant tous ces faits documentés et ces allégations, je pense qu'il est urgent de revoir la décision du gouvernement et d'entreprendre une commission d'enquête publique avant que toutes les sommes qu'on désire investir dans nos infrastructures, soit 43 milliards $, soient dépensées», a déclaré la chef intérimaire de l'ADQ, Sylvie Roy, lors d'une conférence de presse.

Elle a dit s'interroger sur le peu d'empressement du gouvernement dans ce dossier.

«Lorsque le gouvernement libéral nous dit: il faut attendre la fin des enquêtes, il faut attendre la fin des procès, il espère que son mandat soit terminé avant que ça finisse», a-t-elle lancé.

Jeudi, le bureau du ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, a réitéré la position du gouvernement, qui préfère attendre la fin des enquêtes policières en cours avant de décider s'il faut aller plus loin.

La Sûreté du Québec a indiqué le mois dernier qu'elle mène plusieurs enquêtes sur des dossiers de fraudes, de corruption et de malversation dans le milieu de la construction.

Au ministère des Transports du Québec, la sous-ministre adjointe aux infrastructures et technologies, Anne-Marie Leclerc, a déclaré que, malgré les allégations de collusion à Montréal, il n'existe aucune différence notable entre les coûts de construction d'une route dans la région montréalaise, comparativement à la région de Québec.

«Je considère que les prix des enrobés à date ne sont pas hétéroclites, a-t-elle dit. Il n'y a pas de différence qui ne s'explique pas.»

Par ailleurs, concernant toute comparaison des coûts avec d'autres provinces canadiennes, Mme Leclerc s'est montrée très prudente, notamment parce qu'il y a des différences au niveau du climat et du sol québécois qui peuvent avoir un effet.

«Je ne pense pas qu'on soit en mesure de dire demain matin que construire au Québec ça coûte plus cher, a-t-elle dit. Des fois c'est pareil, des fois c'est moins pire, des fois c'est plus cher. C'est simplement le contexte qu'on doit prendre individuellement. (...) Toute généralisation est très hasardeuse.»