Pour la première fois, un membre du gouvernement québécois, en l'occurrence la ministre de l'Éducation Michelle Courchesne, vient de prendre la parole à la Conférence générale de l'Unesco à Paris, pour y exprimer «de manière formelle et solennelle» les positions de l'Etat québécois. L'événement est passé inaperçu: il s'agissait pourtant d'un précédent historique, dont l'Opposition s'est empressée de contester la réelle portée.

«J'étais là pour porter la voix du Québec à l'Unesco, a souligné Mme Courchesne en entrevue plus tôt cette semaine. Que le Québec dispose de ce siège avec droit de parole, c'est énorme. La parole du Québec est équivalente à celle des autres pays. Le Québec a fait un gain extrêmement important. C'est extrêmement important qu'il puisse donner son opinion.»La Conférence générale, c'est comme on dit, la «grand-messe» de l'Unesco. Regroupant les 190 pays membres de l'organisation onusienne, elle se réunit tous les deux ans. La ministre Courchesne y a pris la parole à deux reprises dans le cadre d'une table ronde regroupant environ 70 ministres de l'Éducation du monde entier.

Cette double intervention de quelques minutes - comme le veut l'usage - est venue concrétiser une entente conclue entre les premiers ministres Stephen Harper et Jean Charest en 2006, entente qui accordait une place au Québec au sein de la délégation permanente du Canada à l'Unesco. Dans la foulée, le Québec avait rapidement désigné son représentant, l'universitaire Michel Audet, en poste à Paris depuis deux ans et demi.

«L'intervention de la ministre a été la concrétisation de la légitimité du Québec à l'Unesco, a analysé M. Audet. A l'intérieur de la délégation canadienne, le Québec peut parler de sa propre voix, faire valoir ses expériences, exposer ses positions et faire ses appels de manière formelle et solennelle.»

Cependant, pour la critique de l'Opposition officielle en matière de Relations internationales, Louise Beaudoin, il n'en est rien. «C'est du pétage de bretelle. A l'Unesco, c'est le Canada qui décide», a-t-elle tranché.

L'ex-ministre péquiste reproche particulièrement à la délégation québécoise d'avoir «gardé le silence» en septembre lors d'une importante réunion sur la mise en oeuvre de la Convention sur la diversité culturelle. Mme Beaudoin aurait souhaité que la délégation québécoise conteste à cette occasion deux articles susceptibles de diminuer la portée de la convention.

«Ils avaient une directive du conseil des ministres en ce sens, assure-t-elle. Ils n'ont pas ouvert la bouche, ils ne sont pas levés, parce que le Canada n'était pas d'accord. Il faut savoir parler quand ça compte, pas juste quand c'est symbolique et que ça n'a aucune conséquence.»

La Table ronde à laquelle a pris part Mme Courchesne avait pour thème «Quelle éducation pour l'avenir?». La ministre y a souligné que «tous les États, du Nord comme du Sud, sont confrontés aux mêmes constats, aux mêmes difficultés et aux mêmes défis». Ils concernent notamment le décrochage scolaire (chez les garçons surtout), la revalorisation du métier d'enseignant, la formation professionnelle, les enjeux environnementaux ou la mise en oeuvre d'une école «ouverte et inclusive» respectant «les valeurs et les identités».

En conclusion, la ministre a appelé ses homologues à «défendre l'éducation comme une priorité au sein de leurs parlements, malgré le contexte économique».

Si on exclut la Belgique (dont le système est très particulier), c'était la première fois qu'un Etat fédéré s'exprimait de la sorte à une table ronde ministérielle, souligne-t-on du côté québécois. Dans toutes les agences de l'ONU, seuls les Etats souverains ont droit de parole. «C'était un moment fort», résume Michel Audet.

Pendant son séjour à Paris, Mme Courchesne a également eu des entretiens avec des présidents d'universités françaises. Elle est rentrée au Québec mardi.