Profondément embarrassé par le dévoilement des intentions du gouvernement en matière de tarification des services aux citoyens, le premier ministre Jean Charest a soutenu hier que «rien n'a été discuté au Conseil des ministres».

«Il n'y a pas d'hypothèses déposées...» a-t-il renchéri, en marge d'un déjeuner où il annonçait son intention de se rendre en Inde au début de l'an prochain.

 

Or, La Presse a trouvé hier de nouveaux éléments sur ces intentions gouvernementales, un plan bien embarrassant pour M. Charest qui, publiquement, dit vouloir consulter la population avant d'arrêter ses décisions.

C'est ce qu'il martelait encore hier. Une vaste consultation, cet automne, portera sur le retour à l'équilibre budgétaire, ce qui inclura une réflexion sur la tarification gouvernementale. Au ministère de Raymond Bachand, la porte-parole Catherine Poulin parle d'«hypothèses de travail» qui n'ont pas été présentées au Conseil des ministres.

Or, La Presse a pu vérifier qu'un mémoire signé le 14 septembre par le ministre des Finances, Raymond Bachand, circule largement actuellement dans l'appareil public. On compte l'inscrire à l'ordre du jour de la réunion du Conseil des ministres du 7 octobre, confie-t-on.

La «partie accessible au public» du mémoire de M. Bachand précise, selon nos sources, que les tarifs des seuls ministères et organismes - ce qui n'inclut pas les sociétés d'État comme Hydro-Québec - font entrer 3 milliards de dollars par année dans les coffres. L'indexation de ces tarifs rapportera 60 millions de plus cette année, des recettes qui augmenteront jusqu'à 195 millions en 2013-2014.

Le document, dans sa partie «confidentielle», indique-t-on, prévoit aussi le dépôt cet automne d'un projet de loi destiné à définir une «Politique de financement des services publics». On suggère par exemple de mettre en place un registre des services tarifés et des tarifs, l'indexation annuelle de ces tarifs et l'établissement d'une cible d'autofinancement.

Le ministre Bachand propose aussi que le projet de loi lui permette de hausser plusieurs tarifs à la fois, avec un seul règlement.

Le ministère de la Justice, a pu confirmer La Presse, a transmis à la machine administrative le projet de loi destiné à encadrer les hausses de tarifs attendues, déjà comptabilisées dans le dernier budget de Monique Jérôme-Forget.

Montmarquette soulagé

Cité dans l'argumentaire, le rapport Montmarquette, en avril 2008, relevait que les revenus du gouvernement du Québec augmenteraient de 5 milliards de dollars si les tarifs imposés au Québec étaient équivalents à ceux de la moyenne canadienne. Même mises sous le boisseau par le premier ministre Charest, ces intentions comblent d'aise l'économiste Claude Montmarquette, du groupe CIRANO. On peut soutenir que les 22,7 milliards de recettes tarifaires qui entrent dans les coffres de Québec ne représentent que 60% de la moyenne canadienne, mais l'économiste préfère comparer les tarifs et la différence qu'ils accusent avec le coût réel des services. On doit alors parler de 5 milliards plutôt que des 15 qui feraient passer le Québec au diapason des autres provinces pour la proportion des revenus tirés de la tarification.

«Une hausse des tarifs, c'est la bonne solution», résume le spécialiste. L'alourdissement du fardeau fiscal des contribuables serait le pire scénario. On fait fuir les compétences et on entrave la productivité tout à la fois, plaide-t-il. Les autres provinces sont devant le même dilemme - le vérificateur général de l'Ontario a embauché M. Montmarquette pour qu'il réfléchisse aux tarifs de cette province.

Québec propose de ne pas toucher aux tarifs des garderies à 7$. Pour M. Montmarquette il s'agit d'une décision «purement politique» destinée à assurer la popularité du gouvernement. Cette exception ne se défend guère, du point de vue économique. «Cela coûte 2 milliards de dollars par année... et ce service est financé à 84% par le gouvernement», rappelle l'économiste.