A compter de samedi, le gouvernement Charest aura les coudées franches pour faire des déficits en toute légalité.

Au terme de longues heures de débats en Chambre, malgré le mécontentement tenace des partis d'opposition et grâce à son statut majoritaire, le gouvernement réussira donc à forcer l'adoption du projet de loi 40.

Après étude article par article et possibilité d'amendements de dernière minute, il devait devenir réalité durant la nuit de vendredi à samedi.

Ainsi, le Québec suspendra jusqu'en 2014 la loi qui l'oblige à équilibrer son budget annuel.

Québec prévoit afficher d'ici là plus de 11 milliards $ de déficits.

L'opposition combinée du Parti québécois et de l'Action démocratique aura donc échoué à tenter de forcer la main au gouvernement pour qu'il accompagne son projet de loi d'un plan détaillé des moyens privilégiés pour assurer le retour au déficit zéro.

Pressé d'en finir avec ce projet déposé en mai, le gouvernement avait annoncé jeudi que le temps des discussions avait assez duré et qu'il suspendrait les règles en vigueur dès le lendemain pour adopter immédiatement le projet de loi, que l'opposition le suive ou non.

Même si péquistes et adéquistes n'ont pas tardé à taxer le gouvernement d'autoritaire, arrogant et antidémocratique, le gouvernement est passé de la parole aux actes.

Vendredi matin, avant le début des travaux, le premier ministre Jean Charest a dit qu'il fallait agir dans ce dossier «dans les intérêts supérieurs du Québec», pour planifier le retour à l'équilibre budgétaire, lors d'un bref point de presse.

Il a jugé que le gouvernement n'avait d'autre choix que celui d'imposer le bâillon, vu que, selon lui, l'opposition faisait obstruction systématiquement, «pendant plus de 50 heures» à ce projet de loi, depuis son dépôt en mai.

Pour sa part, en Chambre, la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, a dénoncé «le retour de l'arrogance libérale» et le refus du premier ministre de rendre publiques les balises du retour au déficit zéro.

L'opposition juge que rien ne justifiait un tel coup de force parlementaire, trois jours seulement après le début de la nouvelle session.

Normalement, la procédure de bâillon ne s'utilise qu'en dernier recours, en fin de session.

Aux yeux du ministre des Finances, Raymond Bachand, le projet de loi 40 était crucial pour deux raisons principales: compléter les états financiers de l'année en cours dès le début octobre et rassurer les grandes firmes de notation de crédit.

Vendredi, il a brandi la menace de hausses d'impôts et de coupes dans les services si le projet de loi n'était pas adopté.

Avec le projet de loi 48, qui porte sur l'adoption d'un code d'éthique pour les élus et de la nomination d'un commissaire à l'éthique, le projet de loi 40 était l'une des principales initiatives au menu des députés au cours de la présente session.