«Négligence, imprudence, insouciance.» C'est dans les mêmes termes que trois assureurs accusent le gouvernement du Québec d'être responsable de l'effondrement du viaduc de la Concorde, le 30 septembre 2006. Ils ont déposé trois poursuites, les premières engendrées par la tragédie, qui avait fait cinq morts et six blessés.

Au nom de trois de ces victimes, les compagnies d'assurances La Personnelle, La Capitale et Aviva demandent à Québec de leur rembourser les dommages causés au véhicule de leur client, pour un total de 62 000$.

Conclusions à écarter

La Capitale et La Personnelle ont déposé leurs requêtes en juin dernier et Aviva l'a fait le 27 août. Les trois assureurs avaient fait parvenir, à l'automne 2006, une mise en demeure exigeant le remboursement des indemnités. Le gouvernement - plus précisément le ministère des Transports - a répliqué peu après qu'un dossier de réclamation avait été ouvert mais que son traitement serait «lié aux conclusions de la commission d'enquête» instituée après l'effondrement, peut-on lire dans une lettre produite en preuve. Au cours de ses 130 heures d'audiences publiques, à l'été 2007, la commission présidée par Pierre Marc Johnson avait entendu pas moins de 58 témoins, dont neuf experts en génie, et produit un rapport accablant le 15 octobre 2007.

Les poursuites des assureurs en reprennent essentiellement les conclusions. Le gouvernement du Québec «aurait dû savoir que le viaduc de la Concorde était mal conçu ou vétuste», plaide La Capitale. De la surveillance déficiente à la construction inadéquate, avec du béton de piètre qualité et une armature installée de façon inappropriée, Québec a «grossièrement négligé» de surveiller et de vérifier sa structure.

En réponse à la requête de La Capitale, le procureur général du Québec a demandé au juge le 20 juillet dernier d'écarter tous les arguments provenant des conclusions de la commission Johnson. Les parties ont rendez-vous en cour le 5 novembre prochain au palais de justice de Laval pour en débattre. Selon une source au fait du dossier, une victoire de Québec sur cette simple formalité obligerait l'assureur à refaire une grande partie des travaux de la commission, une «aberration» pour une demande de quelque 15 000$.

Selon le ministère de la Justice, ces poursuites sont les seules jusqu'à maintenant directement liées à l'effondrement du viaduc de la Concorde. Elles concernent trois des six véhicules impliqués et ne visent que les dommages matériels. Une autre poursuite avait déjà été intentée le 26 février 2008 par la Clinique chiropratique LFR, située à proximité du viaduc, qui réclame 127 182$ notamment pour la perte de clientèle causée par sa fermeture. L'affaire est toujours en cours.

En octobre 2007, les six blessés et les successions des cinq personnes mortes ont accepté une indemnisation de 1,6 million de la Société d'assurance automobile du Québec, ce qui fait qu'il n'y aura vraisemblablement pas de poursuites à cet égard.