La démission de David Whissell à titre de ministre du Travail ne suffit pas, dit Pauline Marois. La chef péquiste demande maintenant que M. Whissell quitte son siège de député d'Argenteuil s'il refuse toujours de liquider ses intérêts dans une entreprise d'asphaltage.

«Je crois qu'il serait préférable qu'il continue dans la bonne voie. Il a démissionné (à titre de ministre), il devrait vendre ses parts», a-t-elle affirmé jeudi en conférence de presse, à l'issue d'une réunion du caucus de son parti.Et si M. Whissell refuse de se défaire de son «patrimoine familial», sa participation de 20 % dans l'entreprise ABC Rive-Nord ? «Tout le monde sait que M. Whissell a des parts dans cette entreprise-là. Et si on fait affaire avec cette entreprise, on sait que c'est M. Whissell qui va en être le bénéficiaire. Alors la solution qui serait la meilleure serait qu'il n'occupe plus son poste de député», a répondu Mme Marois.

David Whissell représente les citoyens d'Argenteuil depuis 2003. Mercredi, en annonçant qu'il renonçait à sa limousine, il a dit conserver son siège de député «pour le moment».

Certes, David Whissell se trouve dans une «meilleure situation» aujourd'hui qu'au moment où il était ministre, car «il ne peut plus influencer directement les décisions du gouvernement», a indiqué Pauline Marois. Mais un problème éthique demeure selon elle. Le ministère des Transports sait très bien maintenant que M. Whissell a des liens d'affaires avec ABC Rive-Nord, ce qui place le député dans une «situation difficile et précaire», a-t-elle plaidé.

Pauline Marois ne se contente pas que les intérêts de David Whissell soient placés dans une fiducie sans droit de regard. M. Whissell a créé cette fiducie en février 2004, au moment où il était simple député, sur la recommandation du jurisconsulte de l'Assemblée nationale.

«Dans le cas présent, tout le Québec sait que M. Whissell détient 20 % dans une entreprise qui fait affaire avec le gouvernement. Quand bien même son 20 % est en fiducie, tout le monde sait que ce 20 % est à lui.»

Au cours des dernières semaines, Pauline Marois avait demandé à David Whissell de vendre ses parts dans ABC Rive-Nord ou de renoncer à son poste de ministre. Elle n'était jamais allée jusqu'à réclamer qu'il quitte l'Assemblée nationale.

800 000 $ en contrats

Mercredi, M. Whissell a démissionné de son poste de ministre du Travail à la suite d'une volte-face de Jean Charest. Le premier ministre a décidé d'interdire à tout membre de son cabinet de détenir des parts dans une entreprise qui obtient des contrats du gouvernement. C'est la règle qui prévalait avant que le premier ministre n'y apporte des modifications afin de permettre à David Whissell d'entrer au Conseil des ministres, en 2007.

La société d'asphaltage ABC Rive-Nord a décroché de généreux contrats du ministère des Transports. La valeur de ces contrats a doublé depuis que M. Whissell a accédé au Conseil des ministres. ABC Rive-Nord a obtenu des contrats totalisant 800 000 $ sans appel d'offres.

Jean Charest a demandé à David Whissell de choisir entre son poste de ministre et ses intérêts dans une société d'asphaltage. M. Whissell a préféré ABC Rive-Nord.

La démission de David Whissell ne met pas fin non plus au débat à propos du code d'éthique des élus. Le Parti québécois demande à Jean Charest d'accepter que la déclaration d'intérêts que devrait rendre publique tout député - y compris le premier ministre - contienne la source et la somme de ses revenus.

Le PQ veut que M. Charest prenne cet engagement avant la tenue d'une commission parlementaire chargée d'étudier le projet de code d'éthique déposé par le gouvernement le printemps dernier.

Selon le code proposé, l'obligation de déposer une déclaration d'intérêts n'est plus imposée seulement aux membres du Conseil des ministres, mais à tous les députés. Un sommaire de leurs intérêts personnels serait rendu public. Il contiendrait par exemple la source et la nature de leurs revenus et autres actifs, mais pas leur somme. Le printemps dernier, Jean Charest s'était dit favorable à divulguer ses revenus, comme la prime annuelle de 75 000 $ qu'il reçoit du Parti libéral depuis un peu plus de 10 ans mais dont on connaît l'existence depuis l'an dernier seulement.

«On ne sait toujours pas sur quelle base on verse cette somme. Est-ce qu'on lui paie des dépenses ? Est-ce que c'est une rémunération qui s'ajoute à celle qu'il a déjà ?» a demandé Pauline Marois.