Bombardé «Grand Bâtisseur» par ses militants la fin de semaine dernière, le premier ministre Jean Charest risque de trouver un obstacle sur sa route vers les rivières Romaine et Petit-Mécatina. Les Premières Nations se promettent de faire respecter leurs droits ancestraux sur ces territoires de la Côte-Nord.

«Soyez assuré que les premières nations ne se laisseront pas bulldozer», écrit Ghislain Picard, le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec, dans une lettre ouverte au premier ministre Charest. Les Premières Nations «ne resteront pas immobiles et muettes face à vos projets qui ne tiennent aucunement compte de nos droits sur le territoire», poursuit-il, dans la lettre publiée aujourd'hui dans les pages Forum de La Presse.

 

L'intention de Québec d'appuyer sur l'accélérateur pour l'aménagement des rivières du Nord n'émeut pas le chef Picard. En avril dernier, les chefs des Premières Nations avaient décidé de créer un «comité des terres et des ressources» et c'est avec ce comité que le gouvernement Charest «devra dorénavant composer pour tout projet de développement du territoire», prévient-il.

M. Picard avait plongé sa plume dans l'acide pour critiquer l'annonce unilatérale du premier ministre au cours de la fin de semaine. Des premiers ministres, tous partis confondus, ont su dans le passé prendre en compte la présence «immémoriale» des autochtones sur ces territoires, rappelle le chef Picard. «C'est ce qu'exigeait leur rôle de chef de gouvernement, au-delà de l'ambition de briller», poursuit-il. Pour lui, faire du Québec «la première puissance mondiale des énergies renouvelables est un objectif très ambitieux». On peut «s'interroger sur cette ambition de briller parmi les premiers» quand la planète est aux prises avec des enjeux cruciaux en matière de développement durable, selon lui.

La fin de semaine dernière, M. Charest, devant le conseil général des libéraux à Laval, avait épilogué sur les retombées du projet de la Romaine, mis en chantier il y a deux semaines. En outre, il avait annoncé qu'il demandait à Hydro-Québec de commencer, dès cette année, les études de faisabilité pour le chantier Petit-Mécatina, 100 kilomètres plus loin, une décision qui devrait devancer d'un an ou deux la mise en chantier, prévue pour 2018.

«Non, vous ne ferez pas une autre Baie-James sans convenir avec nous d'ententes reconnaissant nos droits au territoire», prévient M. Picard.

Robert Bourassa, avant de faire la Baie-James, avait eu le mérite de reconnaître les droits des «premiers occupants». Le territoire «sur lequel vous comptez développer vos projets de barrage se nomme Nitassinan. Il s'agit du territoire ancestral de la nation Innu qui y détient, que cela vous plaise ou non, des droits ainsi qu'un titre aborigène conférant un droit au territoire lui-même», renchérit M. Picard, sans appel.

Les Innus «n'ont jamais été conquis, ils n'ont jamais cédé leurs territoires et, surtout, n'ont jamais abdiqué leur souveraineté sur ces territoires», lance le chef Picard. Les gouvernements, depuis 30 ans, ont fait peu de cas de ces droits, «c'est là une grave erreur et une immense injustice».