La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, enterre l'idée d'une commission parlementaire spéciale sur le dérapage financier de la Caisse de dépôt et placement.

À l'entrée de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres hier, la grande argentière du gouvernement Charest a dit passer à une autre «étape». Plutôt que de négocier la tenue d'une commission spéciale, elle souhaite se concentrer sur la nomination prochaine de membres du conseil d'administration de la Caisse. «Je suis dans un mode solution maintenant. Moi, j'ai traversé cette étape», a-t-elle affirmé.

 

«Mon gouvernement doit identifier un président du conseil d'administration, renouveler et nommer des membres du conseil d'administration, identifier et nommer un PDG dans les plus brefs délais. Voilà ce à quoi je m'attarde désormais», a ajouté Mme Jérôme-Forget, soulignant qu'elle a «des démarches à faire, des gens à rencontrer». Elle veut «travailler avec le futur président du conseil d'administration pour que la tête de la Caisse de dépôt soit bien en place et bien en contrôle de la situation».

Monique Jérôme-Forget jugeait pourtant nécessaire de tenir une commission parlementaire spéciale afin de faire la lumière sur les pertes de 40 milliards de dollars du bas de laine des Québécois pour l'année 2008. Elle voulait toutefois que la commission ait lieu dès cette semaine. Le PQ a refusé, accusant Mme Jérôme-Forget de vouloir «expédier rapidement la question».

«J'avais prévu le 2 et le 3 mars la tenue d'une commission. J'estimais qu'entendre les gestionnaires de la Caisse venir expliquer ce qui s'était passé au niveau des 40 milliards, c'était une bonne approche», a affirmé Mme Jérôme-Forget, qui refuse de comparaître devant une commission spéciale comme l'exige l'opposition officielle. La ministre estime qu'«il aurait été beaucoup plus utile» que l'ex-PDG Henri-Paul Rousseau s'explique en commission parlementaire cette semaine plutôt que devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain lundi.

L'analyse des pertes historiques de la Caisse se fera donc au moment de l'étude des crédits budgétaires à l'Assemblée nationale, qui aura lieu dans les semaines suivant le dépôt du budget attendu plus tard en mars. «Ça va me faire plaisir de répondre à toutes les questions», a affirmé Monique Jérôme-Forget. Les dirigeants de la Caisse et Henri-Paul Rousseau seraient convoqués à cette occasion.

Chaque année, les députés du gouvernement et de l'opposition disposent de 200 heures pour étudier les crédits de l'ensemble des ministères. Le règlement de l'Assemblée nationale fixe un maximum de 20 heures par ministère. L'analyse des pertes de la Caisse serait donc limitée, en théorie, à ce maximum. Bon an mal an, l'étude des crédits du ministère des Finances et de ses organismes, dont la Caisse de dépôt, dure de cinq à six heures.

À la sortie de la réunion du Conseil des ministres, le leader parlementaire du gouvernement, Jacques Dupuis, a tenté d'apaiser la controverse soulevée par sa collègue Jérôme-Forget. Il a d'abord martelé que «le gouvernement est tout à fait favorable à une commission parlementaire le plus rapidement possible», «immédiate» mais à laquelle seraient convoqués uniquement les dirigeants de la Caisse qui étaient en poste en 2008.

À mots à peine couverts, le ministre a toutefois indiqué que son gouvernement renonce à une commission parlementaire spéciale. «Il y aura une étude des crédits au sein de laquelle Monique Jérôme-Forget sera présente pour répondre à des questions de l'opposition, et les dirigeants de la Caisse pourront être là aussi. Mais ce n'est pas ce que nous avons souhaité. Ce que nous avons souhaité, c'est qu'il y ait tout de suite une commission parlementaire pour entendre les dirigeants», a-t-il dit, accusant le PQ d'intransigeance.

Un autre signe démontre que la commission parlementaire spéciale est écartée. Le président de la commission permanente des finances publiques, le libéral Alain Paquet, a indiqué que, «pour l'instant», aucune réunion ne sera convoquée afin de discuter de la question. Prudent, le député a indiqué que ce n'est «pas nécessairement» l'abandon de la commission spéciale.

Le PQ en furie

L'opposition officielle condamne l'attitude du gouvernement Charest. «Il ne veut pas aller au fond des choses. Il veut étouffer le scandale, balayer cette affaire sous le tapis», a lancé le leader parlementaire, Stéphane Bédard. Selon lui, «l'étude des crédits n'est pas le bon forum» pour étudier le dérapage financier de la Caisse, puisque le temps est limité. Le PQ maintient ses demandes, comme la comparution de Mme Jérôme-Forget. Mardi, il a renoncé à exiger la comparution du premier ministre Jean Charest, une concession insuffisante aux yeux des libéraux. Il veut le dépôt de documents tels le rapport annuel attendu en avril, mais le gouvernement refuse d'attendre jusque-là pour tenir une commission.

De son côté, l'Action démocratique du Québec est maintenant prête à accepter la tenue d'une commission spéciale sans la comparution de M.Charest et de Mme Jérôme-Forget. Elle propose une nouvelle ronde de négociations.

«Il serait irresponsable, de la part des libéraux et des péquistes, de faire passer la partisanerie devant la transparence, d'utiliser la chicane pour camoufler ce qui s'est produit à la Caisse de dépôt», a affirmé le député François Bonnardel. Il soupçonne le gouvernement de préparer «une belle stratégie de marketing» avec la sortie d'Henri-Paul Rousseau lundi. «On a donné un coup de téléphone à M.Rousseau, puis on lui a dit: «Bien écoute, ce serait peut-être le temps que tu ailles discuter de ça à la Chambre de commerce, devant le Tout-Montréal»», a-t-il dit.