La Loi électorale québécoise est-elle discriminatoire envers les anglophones de l'Ouest-de-l'Île et les petits partis? Quatre citoyens ont posé la question à la cour il y a quatre ans et ont obtenu la réponse la semaine dernière: non.

Et ce n'est pas aux tribunaux de décider quel serait le système électoral idéal, a tranché le juge Luc Lefebvre, de la Cour supérieure, le 26 février dernier. Dans un jugement succinct d'une vingtaine de pages, il a débouté sur toute la ligne les quatre citoyens représentés par Julius Grey. Ceux-ci tentaient de faire déclarer inconstitutionnel le mode de scrutin québécois hérité de la tradition britannique, dit majoritaire uninominal à un tour, qui contreviendrait aux chartes québécoise et canadienne des droits.

 

«Il n'y a aucune preuve de discrimination», a répondu le juge Lefebvre, qui s'est rangé à l'avis du Procureur général du Québec. Selon cette analyse, le choix du mode de scrutin est une question essentiellement politique dans laquelle un tribunal ne devrait pas intervenir.

«Évidemment, on est déçus, a commenté un des quatre demandeurs, François Soucy. On laisse aux politiciens déjà élus le soin de juger de l'application d'un mode de scrutin: ça fait un conflit d'intérêts assez clair.» Le groupe, réuni au sein de l'Association pour la revendication des droits démocratiques (ARDD), compte en appeler. Ses membres estiment que le juge Lefebvre a erré en concluant qu'on lui demandait de trancher sur un changement de mode de scrutin, ce qu'il n'était pas habilité à faire, a-t-il conclu.

«Ce n'est pas la question qu'on soumettait: nous, on croit qu'un droit fondamental a été enfreint, dit M. Soucy. Il a été influencé par le fait que nous sommes quatre militants pour la réforme du mode de scrutin.»

L'ARDD fait en effet la promotion du scrutin proportionnel, qui tiendrait mieux compte des votes exprimés aux tiers partis.

Selon l'analyse de l'ARDD, les anglophones de l'Ouest-de-l'Île de Montréal formeraient un groupe particulièrement discriminé par le système électoral québécois actuel, puisqu'ils sont concentrés géographiquement dans des circonscriptions gagnées d'avance pour le Parti libéral.

Trois experts sont venus appuyer la démonstration de l'ARDD. Henry Milner, professeur en science politique à l'Université de Montréal, a témoigné que le système actuel surreprésente le parti formant le gouvernement et sous-représente l'opposition et les tiers partis. Un mathématicien, Stéphane Rouillon, a assuré que le mode de scrutin provoquait des distorsions importantes au plan de la représentation des partis.

Le juge Lefebvre a rejeté la majeure partie de ces arguments, en se fiant notamment aux résultats des élections de mars 2007, où les trois partis provinciaux ont eu un nombre de sièges proportionnel au nombre de votes obtenus.