Ajoutant à la pagaille et à l'incertitude sur la Caisse de dépôt, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, dit désormais souhaiter que le sous-ministre des Finances retrouve le siège qu'il détenait dans le passé au conseil d'administration de l'organisme.

Niant avec la dernière énergie que le gouvernement Charest ait envisagé une purge chez les vice-présidents de la Caisse, qui annoncera les plus mauvais résultats de son histoire dans deux semaines, Mme Jérôme-Forget a indiqué qu'elle recommanderait au premier ministre que le sous-ministre des Finances retrouve son siège chez les chiens de garde du bas de laine des Québécois.

 

Poste aboli

Or, le gouvernement Charest avait précisément décidé d'abolir ce poste, statutaire, au moment de la refonte de la loi constituante de la Caisse en 2004.

Le comité sur la gouvernance de la Caisse, dirigé par Me Richard Drouin, avait fait valoir que l'indépendance de la Caisse du gouvernement devait être inattaquable, une lecture qu'avait partagée le ministre des Finances de l'époque, Yves Séguin.

L'année suivante, son successeur Michel Audet, qui avait réformé la gouvernance de l'ensemble des grandes sociétés d'État, avait étendu cette pratique à d'autres organismes, à Hydro-Québec par exemple, où le sous-ministre aux Ressources naturelles avait automatiquement un poste au sein du conseil.

À Radio-Canada, hier matin, Mme Jérôme-Forget a soutenu qu'elle recommanderait personnellement le retour du sous-ministre des Finances au conseil -le poste est occupé par Jean Houde, qui, ironiquement, était l'un des candidats à la succession d'Henri-Paul Rousseau le printemps dernier.

«Est-ce que le sous-ministre des Finances devrait siéger au conseil d'administration? C'est clair que c'est une recommandation que je ferai au premier ministre», a-t-elle dit.

Avis partagés

Les avis sont encore très partagés sur l'opportunité de revenir avec cette formule. Michel Nadeau, ancien vice-président de la Caisse, estime que ce serait perçu comme une intervention indue du patron politique sur les décisions de la Caisse. Yves Michaud, le «Robin des banques» estime de son côté que le gouvernement devrait avoir quelqu'un pour l'alerter en cas de dérapage de l'organisme.

Dans les cabinets politiques, on mettait un bémol hier aux intentions de la ministre Jérôme-Forget, expliquant que le sous-ministre des Finances pourrait avoir un poste «d'observateur» au sein du conseil.

Une lettre anonyme

Toute la matinée hier, Mme Jérôme-Forget a nié formellement que le gouvernement ait planifié une purge parmi les vice-présidents de la Caisse. Depuis des semaines la Caisse traverse une crise profonde. Ses prévisions de rendement ont été annoncées par La Presse la semaine dernière, des chiffres que ni Mme Jérôme-Forget, ni la Caisse n'ont démentis.

Elle a aussi soutenu que le président du conseil d'administration, Pierre Brunet, ne souhaitait pas voir son mandat renouvelé, des propos confirmés par son attachée de presse. Mi-janvier, La Presse avait révélé que le gouvernement n'avait pas l'intention de renouveler le mandat de M. Brunet, et que ce dernier acceptait mal de devenir le bouc émissaire des dérapages de la Caisse en 2008. Hier encore, au conseil de la Caisse, on tenait pour acquis que M. Brunet souhaitait voir son mandat renouvelé.

Toutes ces déclarations surviennent au moment où la direction de la Caisse paraît avoir perdu totalement le contrôle.

La ministre Jérôme-Forget a aussi nié le contenu d'une lettre en apparence rédigée à la CDP, que lui a mise sous le nez Radio-Canada hier matin.

Mise en demeure

Radio-Canada a reçu hier après-midi une mise en demeure de la Caisse lui enjoignant de ne pas diffuser le contenu de cette lettre obtenue de source anonyme, donnant en détail un plan pour remplacer sept des 11 vice-présidents de la CDP, de manière à ce que le futur président directeur général, le successeur de Richard Guay, ne soit pas tenu responsable des congédiements.

En deux pages, sur ce qui semble être le papier officiel de la Caisse, dans une enveloppe officielle de la CDP, l'auteur, dont le nom a été biffé, dresse avec «grande réticence» la liste de 7 des 11 vice-présidents actuels de la Caisse qui pourraient être limogés, et identifie des remplaçants travaillant déjà dans l'organisme. Le nom du destinataire de la lettre est aussi effacé.

On précise même que les membres du comité de direction à qui on demande de partir ont droit à une année de salaire et conservent cellulaire et automobile durant une période de six mois.

Avant d'envoyer sa mise en demeure, la Caisse avait reconnu l'existence de la lettre dans un communiqué de presse.

«La Caisse n'est propriétaire d'aucun document qui ferait, directement ou indirectement, état de tels plans et qu'un tel document, s'il existe, n'émane pas de la Caisse et n'est pas de sa confection.»