Le projet suggéré par Claude Garcia de privatiser Hydro-Québec ne risque guère d'être réalisé dans un avenir prochain. De tous les horizons politiques, hier, on a voulu rester loin de cette privatisation et du profond débat que cette opération soulèverait à coup sûr dans l'opinion publique.

Pour le premier ministre Jean Charest, en mission en Europe, ce projet n'est tout simplement «pas dans les cartons du gouvernement».

 

«On en a discuté en campagne. M. Dumont a proposé une privatisation partielle. Nous, on a dit que c'était une mauvaise idée de poser un geste comme celui-là sans en mesurer les conséquences. Par exemple, si on devait privatiser Hydro-Québec, il faudrait actualiser sa valeur et hausser les tarifs au prix du marché. Donc, il y a plein de conséquences. Ce n'est pas dans nos cartons. La privatisation n'est pas à l'ordre du jour», a souligné M. Charest.

En point de presse, hier, Claude Béchard, ministre des Ressources naturelles, a rejeté sans appel la solution avancée par M. Garcia.

«Comme membre du gouvernement libéral, je fais partie d'un gouvernement héritier de la philosophie de Robert Bourassa, des René Lévesque et Jean Lesage qui ont nationalisé Hydro-Québec. Ce n'est pas vrai qu'on va faire une vente de feu, qu'on va privatiser Hydro», a soutenu M. Béchard.

Avec le projet de la rivière Romaine, Hydro-Québec sera cette année l'instigateur du plus gros projet d'infrastructure de l'ensemble du pays, relève M. Béchard. «J'aime mieux voir les bénéfices d'Hydro-Québec de l'exportation revenir dans les poches de tous les Québécois que dans celles de quelques actionnaires», a-t-il poursuivi.

Pour Claude Béchard, «on a beaucoup plus de temps à passer sur nos stratégies à développer pour répondre aux besoins énergétiques des États-Unis, du Québec et du Canada qu'à savoir si on va privatiser 10, 15 ou 20% d'Hydro-Québec», a-t-il conclu.

Pour Sylvain Gaudreau, le député péquiste de Jonquière, «ce projet n'a aucun bon sens. Je ne peux pas croire qu'on propose des choses aussi contraires à nos intérêts. Au Saguenay cette semaine, il y avait deux débats: la fermeture de Rio Tito et la nécessité de conserver le contrôle de notre énergie. On ne veut pas qu'un entrepreneur prenne en charge les barrages d'Alcan», poursuit-il.

«M. Garcia dit que la vente d'énergie aux alumineries équivaut à une subvention de 250 000$ par emploi. Il ne tient pas compte des emplois indirects. Faire ce qu'il dit entraînerait la fermeture des régions», a ajouté le député.

Rendement

Même si son parti est le seul à proposer la privatisation d'Hydro-Québec, Mario Dumont estime que la solution avancée par Claude Garcia «est plus radicale et va beaucoup plus loin». «Nous, on parlait d'une privatisation partielle, mais les prémisses de départ sont les mêmes, a rappelé le chef de l'ADQ, lors d'un point de presse à Montréal, peu avant d'assister à la conférence de M. Garcia.

«Hydro, ça nous appartient, mais au-delà de ça, c'est quand même une compagnie. On doit regarder ses dépenses comparativement à d'autres compagnies de la même taille. Privée ou publique, une compagnie qui dépense trop dépense trop.»

Les opposants à la privatisation qui soulignent la profitabilité d'Hydro-Québec, «ça ne veut rien dire, rétorque le chef de l'ADQ. C'est sûr que ça fait des profits: les barrages, ce sont des machines à imprimer de l'argent.» En tant qu'actionnaires, les Québécois doivent plutôt chercher les moyens d'obtenir le meilleur rendement de leur société d'État. Comme Claude Garcia, il croit que «la situation de monopole d'Hydro a conduit à une certaine paresse au niveau de la gestion des dépenses».

En désaccord avec Jean Charest, M. Dumont n'est pas d'avis que la hausse des tarifs d'électricité soit incontournable dans le scénario de la privatisation. Il est possible de confier le contrôle à une régie indépendante tout en précisant les règles du jeu aux actionnaires, croit M. Dumont, qui se dit contre des hausses de tarifs explosives.

«La vérité, c'est qu'il y a des gens qui vont en souffrir. Ces choses-là doivent se faire avec une certaine prudence. L'électricité, dans un pays où il fait -32 ºC certaines journées, c'est un facteur essentiel de la vie.»

Avec La Collaboration De Karim Benessaieh Et De Tommy Chouinard