Mario Dumont a pris de court bien des gens à l'ADQ en annonçant, dès lundi soir, sa décision de tirer un trait sur sa vie politique. Même sa conjointe, Marie-Claude Barrette, en a été informée seulement quelques heures avant le discours fatidique.

«Je l'ai su lundi... Quand je lui en avais parlé durant la campagne, il m'avait répondu : «On s'en parlera le 9 décembre»«, a expliqué hier sa conjointe, Marie-Claude Barrette. Quant à Mario Dumont, il n'a pas rappelé ceux qui lui laissaient des messages. Dans l'entourage du chef adéquiste, la décision annoncée lundi n'était pas une surprise. Dumont avait mis la barre bien en haut des 12 députés nécessaires à la reconnaissance de son parti. La surprise n'était pas qu'il parte, mais qu'il l'annonce sur-le-champ... dès lundi soir.

À Laval, Jean Allaire, cofondateur de l'ADQ avec Mario Dumont, restait stoïque. «Il y a un avenir pour l'ADQ sans Mario Dumont. Il a fait sa part, il a pris sa décision, l'a annoncée dignement. On ne peut lui demander plus», a-t-il estimé.

«On nous pose une question insultante. Depuis 14 ans, on annonce la mort de l'ADQ. Les hommes et les idées peuvent passer, mais les idées demeurent», a-t-il lancé, ajoutant qu'il devrait y avoir une véritable course à la succession de Mario Dumont. Surtout, un groupe de sages devrait porter un jugement sans complaisance sur la stratégie de l'ADQ, disséquer ses bons et ses mauvais coups.

Parti d'un seul homme pendant des années, l'ADQ n'a pas réfléchi longtemps dans ses instances sur les mécanismes de revue de leadership. Ces questions seront évoquées ce matin à Québec, alors que M. Dumont rencontrera les six députés élus avec lui. En après-midi, il s'entretiendra avec les candidats défaits. Le bureau de direction de l'ADQ se réunira demain pour préciser les mécanismes qui dirigeront l'ADQ dans son opération de changement de chef.

À l'intérieur du parti, beaucoup voient le critique à la santé, Éric Caire, réélu dans La Peltrie, prendre les commandes de l'équipe adéquiste. Joint hier, M. Caire s'était clairement préparé, et exhortait déjà le gouvernement et l'opposition péquiste à appliquer un projet de réforme parlementaire mis au rancart, qui accordait la reconnaissance à un parti ayant 15 % des voix ou six sièges. Avec ces règles, l'ADQ deviendrait un parti reconnu avec un droit statutaire à intervenir à la période des questions et surtout avec le névralgique budget de recherche, nerf de la guerre à l'Assemblée nationale. «Il y avait une volonté de changer les critères de représentativité... Aussi avec un taux aussi faible de participation, c'est pas une bonne idée de bâillonner un électeur sur cinq», estime Éric Caire – l'ADQ a récolté 530 000 voix lundi.

Mario Dumont n'avait pas été tendre à l'endroit du PQ après les élections de 2007. «Mais ils n'avaient pas été mieux avec nous en 2003. En 2007, ils ont dit qu'on avait été tough mais ils ont eu tout de même 2 millions de dollars en budget de recherche, c'est pas pire pour des gens maltraités», rappelait M. Caire, hier.

Quand on lui parle de la direction de l'ADQ, Éric Caire met un bémol : «J'ai trois enfants, un quatrième en route ; avant de m'engager là-dedans, on doit en discuter. Cela me tiendrait loin de la famille, ce n'est pas sûr que ce soit la meilleure décision. On parlera de chefferie un peu plus tard, l'encre est à peine sèche sur les bulletins de vote».

Dans les officines adéquistes, il ne fait guère de doute que Caire se voit à la succession. Il estime cependant que le choix d'un chef à l'extérieur de l'aile parlementaire ne doit pas être exclu. «Pourquoi pas dans la mesure où il incarne les valeurs adéquistes ? Il faut qu'il soit rassembleur...» résume Caire.

Mais le député de La Peltrie risque de ne pas être seul, s'il brigue la direction du parti. «La pire chose qui pourrait arriver à l'ADQ, c'est un couronnement», concède Caire.

Gérard Deltell, ex-journaliste fraîchement élu dans Chauveau, se faisait bien mystérieux hier. L'étage de l'ADQ au parlement était vide hier, aucun des 41 députés élus en 2007 n'était présent. Ironiquement, l'unique député adéquiste présent était le seul à ne pas y avoir de bureau : Gérard Deltell.

Spontanément, ce dernier a demandé au représentant de La Presse qui avait mis son nom dans la courte liste des successeurs potentiels publiée hier. Quand on lui demande si le poste l'intéresse, il se contente de dire : «Je n'ai pas de commentaires là-dessus pour l'instant, c'est la journée de Mario Dumont.»

«Il va y avoir deux coqs dans le poulailler», observe, amusé, un conseiller de Dumont, persuadé qu'après les émotions des élections, le tout nouveau député Deltell était «sur un high», «mais la vie politique va le rattraper», prédit-on.

Comme Éric Caire toutefois,  Gérard Deltell promet de ne jamais traverser la Chambre pour adhérer au PLQ. «Je suis né adéquiste, je vais mourir adéquiste. Jamais, jamais je n'irai rejoindre les libéraux... et encore moins les péquistes», a-t-il martelé.

La précipitation serait la pire conseillère pour l'ADQ, insiste-t-il. «On a du temps, on a quatre ans devant nous. Jean Charest a déclenché les élections rapidement justement parce qu'il ne voulait pas nous donner le temps nécessaire... il sentait que l'équipe commençait à avoir plus de cohésion»,  a conclu Deltell.