Après presque trois mois à l'écart de la politique fédérale, le député néo-démocrate Romeo Saganash se dit heureux de reprendre le travail. D'autant plus que l'ancien leader de la communauté crie rentre au Parlement à une période charnière pour les autochtones du Canada.

Le député d'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou arborait un large sourire lorsqu'il a accueilli La Presse dans son bureau, à deux pas du parlement fédéral. Au terme de plusieurs semaines de congé pour traiter sa dépendance à l'alcool, il est finalement prêt à reprendre le flambeau.

«J'avais hâte, a-t-il confié. Moi qui suis fanatique des nouvelles, des journaux, j'ai l'impression d'avoir manqué beaucoup pendant mon absence.»

Le monde de M. Saganash a basculé le 19 octobre dernier, lorsqu'il a été expulsé d'un avion qui devait le ramener dans sa circonscription parce qu'il était en état d'ébriété. Quelques jours plus tard, le député s'est excusé officiellement et a demandé à être relevé de ses fonctions parlementaires le temps de traiter sa dépendance.

La réélection de Barack Obama, les démissions des maires Gérald Tremblay et Gilles Vaillancourt, M. Saganash n'a appris tout cela que le 22 novembre. C'est ce jour-là qu'il est sorti de la cure de désintoxication de trois semaines qu'il a suivie dans les Laurentides, loin des téléviseurs et des téléphones.

«Le seul responsable là-dedans, c'est moi, et je l'ai assumé, a-t-il dit. Je me suis dit que j'allais prendre les moyens pour que ça n'arrive plus, et c'est ce que j'ai fait.»

M. Saganash s'était porté candidat à la direction du Nouveau Parti démocratique, l'an dernier, une campagne qu'a finalement remportée Thomas Mulcair. Au terme de la course, le nouveau chef a fait de M. Saganash son porte-parole en matière de développement international, un rôle qui a pris beaucoup d'importance dans les dernières semaines, lorsque le gouvernement Harper a décidé de suspendre son aide à Haïti.

Le député, élu pour la première fois dans la vague orange de mars 2011, a suivi de loin le débat sur cet épineux dossier. C'est également de loin qu'il a observé l'apparition d'Idle No More et l'émergence d'un mouvement autochtone d'une ampleur jamais vue au Canada.

Après avoir éprouvé un petit pincement au coeur en regardant la période de questions quotidienne à la télé, M. Saganash a hâte de se replonger dans les débats.

«C'est difficile pour moi d'avoir été à l'écart parce que j'aime tellement ce que je fais, confie-t-il. Chaque fois que quelqu'un que je connais me demande si j'aime Ottawa et la politique fédérale, la réponse est toujours la même : j'aurais dû commencer avant.»

Le député a bon espoir que le mouvement Idle No More permette de forcer les décideurs et la population à tenir compte de la situation des Autochtones. Il ne mâche pas ses mots pour dénoncer le travail du gouvernement Harper à cet égard, l'accusant d'avoir croisé les bras après le sommet de janvier 2012 avec les Premières Nations.

«Il n'a rien fait depuis un an et on est rendu là aujourd'hui. Alors, tant mieux s'il a bougé un peu. J'espère que le processus va se poursuivre, parce que c'est vrai qu'il y a urgence.»