De passage à Québec, Stephen Harper n'a pas voulu alimenter la guerre de drapeaux à l'Assemblée nationale. Mais il a entretenu les tensions fédérales-provinciales en attendant à la toute dernière minute pour inviter un représentant du gouvernement péquiste à son annonce au sujet du Manège militaire de Québec.

Le Parti québécois a demandé officiellement hier que l'unifolié soit retiré du Salon rouge. «Qu'est ce que je peux dire?», a dit le premier ministre du Canada, avant de laisser échapper un rire découragé. «Je peux dire que notre priorité pour la population du Québec et du reste du Canada, c'est l'économie. Je pense que c'est la vraie priorité des Québécois. Pas des vieilles chicanes. Je n'ai pas l'intention de participer à ces vieilles chicanes.» Les militaires présents dans la salle ont chaudement applaudi.

M. Harper était de passage à Québec pour annoncer qu'Ottawa investirait 104 millions de dollars dans la reconstruction du Manège militaire de Québec, qui a brûlé en 2008.

La ministre Maltais boudée

Le maire de Québec, Régis Labeaume, a participé à l'annonce à la Citadelle de Québec, mais le gouvernement du Québec n'y était pas représenté. La ministre responsable de la Capitale-Nationale, Agnès Maltais, n'avait pas encore été invitée hier. Hier matin, des quotidiens ont fait état de sa déception. «C'est un peu méprisant pour les gens de Québec», a-t-elle dit.

«C'est une annonce fédérale, évidemment. J'ai dit qu'on devrait inviter la ministre régionale du gouvernement du Québec, mais on m'a dit qu'elle n'était pas disponible», a indiqué hier midi M. Harper.

C'est seulement hier matin, vers 9 h 30, que Mme Maltais a été invitée. Selon nos sources, c'est par l'entremise du cabinet du maire Labeaume que l'invitation lui est parvenue. La ministre a refusé, car elle avait une activité déjà prévue en Beauce avec le ministre fédéral Maxime Bernier. Elle a voulu étouffer la controverse. «Il y a eu une tentative d'effacer ça et de commencer sur une meilleure note. C'est bien. Ce qu'on veut, c'est collaborer», a-t-elle dit plus tard en après-midi.

L'unifolié au Salon rouge

Le whip du Parti québécois, Yves-François Blanchet, a demandé jeudi au président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, de retirer l'unifolié du Salon rouge pour toutes les activités. C'est au Salon rouge que se trouve le seul drapeau canadien du parlement. Il y a été placé à la fin de 1985. En 1994, le gouvernement Parizeau l'avait retiré. Les libéraux l'avaient replacé en reprenant le pouvoir en 2003.

Le gouvernement Marois est minoritaire. Comme tous les partis, il peut retirer l'unifolié pour ses activités partisanes, comme il le fait toujours pour la prestation de serment de députés. Il peut aussi le retirer pour les activités gouvernementales, comme les Prix du Québec. Mais pas pour les activités parlementaires, comme l'étude des projets de loi. Pour ce, il lui faudrait être majoritaire.

C'est pourquoi M. Blanchet a dû faire la demande au président Jacques Chagnon. Ce dernier a deux choix: trancher lui-même ou renvoyer la décision au Bureau de l'Assemblée nationale (BAN), où les élus péquistes sont majoritaires. La question est délicate. Même si les élus péquistes contrôlent le BAN, les décisions y sont habituellement prises de façon consensuelle, reconnaît M. Blanchet. Il croit que le président pourrait demander à l'ensemble des élus de voter sur le sujet.

Mais le gouvernement péquiste minoritaire perdrait un tel vote. L'opposition libérale a écrit à M. Chagnon pour s'opposer au retrait de l'unifolié. «Cette proposition est choquante et totalement inacceptable», s'offusque le whip de l'opposition libérale, Laurent Lessard. La demande péquiste est d'une «gravité extrême» et constitue un «déni du pays», a-t-il même dénoncé. La Coalition avenir Québec n'a pas l'intention d'écrire au président, mais elle partage l'opinion des libéraux.

M. Blanchet ne comprend pas ces critiques. «La présence exclusive du drapeau du Québec, c'est pour symboliser que seul le Québec a compétence dans notre Parlement. Ce n'est même pas forcément un geste souverainiste, c'est un geste nationaliste», a-t-il soutenu.