Depuis 24 ans, chaque jour où les députés siègent à la Chambre des communes, le prêtre Tony Van Hee manifeste contre l'avortement et jeûne devant le parlement canadien.

Mais mercredi, lorsque les députés voteront sur la motion 312 du député conservateur Stephen Woodworth, il ne sera pas à son poste, à côté de la flamme du centenaire. Le hasard a voulu que, ce jour-là, il soit opéré des cataractes.

«Mieux vaut en rire», dit-il en souriant.

Assis derrière ses pancartes où on peut voir un foetus ensanglanté et des slogans contre l'avortement, l'euthanasie, la contraception et même la sodomie, le prêtre jésuite ne savait toujours pas à quoi s'attendre du vote lorsque La Presse l'a rencontré, hier.

«L'avortement à l'échelle mondiale est le plus grand péché de l'histoire de l'humanité après la mort du Christ. C'est pourquoi je suis aussi motivé», dit-il en se berçant tranquillement sur sa canne-siège, au milieu des groupes de touristes.

Certains signes lui donnent espoir, comme le fait que de nombreux députés aient pris la parole à la Chambre des communes vendredi dernier pour appuyer la motion de leur collègue Woodworth. Cette motion vise à créer un comité pour réévaluer la définition de ce qu'est un être humain au sens du Code criminel du Canada afin, peut-être, d'y inclure le foetus.

Lundi, le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, a lui aussi déclaré qu'il voterait pour la motion. Stephen Woodworth croit que d'autres ministres pourraient suivre son exemple.

Relancer le débat sur l'avortement

Des opposants, dont le Barreau du Québec et la Fédération des femmes du Québec, reprochent à M. Woodworth de vouloir relancer le débat sur l'avortement par des voies détournées.

Le premier ministre Stephen Harper, quant à lui, a promis aux dernières élections qu'il ne relancerait pas ce débat au Canada. Il votera contre la motion, qu'il insiste pour décrire comme une initiative personnelle, et non gouvernementale.

Stephen Woodworth a reconnu la semaine dernière que, sans l'appui du premier ministre, sa motion sera probablement rejetée. Une source conservatrice a confié à La Presse la semaine dernière qu'une trentaine de députés conservateurs tout au plus se rangeraient derrière leur collègue ontarien.

Mais même si la motion ne passe pas, Tony Van Hee voit le vote d'un bon oeil. «Si nous ne gagnons pas, ce sera malheureux, mais au moins l'opposition n'aura plus autant l'argument que Harper a un programme caché. Ce sera une demi-victoire.»

De toute manière, selon lui, ce débat n'est pas près de disparaître, tant au Canada qu'au Parlement fédéral. «Cette question ne va jamais mourir. On ne peut pas survivre comme société quand on tue un enfant innocent et sans défense.»