La piste suivie par Élections Canada pour retracer le mystérieux «Pierre Poutine» a mené les enquêteurs dans une impasse.

L'enquêteur Allan Mathews tentait de mettre la main sur les documents d'un site web enregistré en Saskatchewan qui permet aux internautes de surfer sans laisser de traces.

Élections Canada croit que cette entreprise, Free Proxy Server, pourrait détenir des informations permettant à ses enquêteurs de remonter jusqu'à l'individu responsable des appels trompeurs faits lors des élections fédérales l'an dernier.

Des électeurs avaient reçu des appels qui les informaient du changement d'adresse de leur bureau de scrutin, ce qui était faux.

Selon des documents de la cour récemment publiés, Free Proxy Server a déclaré le mois dernier à Élections Canada que les documents demandés - qui auraient pu les aider à identifier «Pierre Poutine» - n'existent plus.

«Aucun document ou dossier saisi auprès de Marc Norris ou de freeproxyserver.ca - Les documents n'existent plus», peut-on lire dans l'ordonnance du tribunal exigeant ces documents de la compagnie. M. Norris exploite le site web en question.

Le jour du scrutin, un dénommé Pierre Poutine a eu recours aux services de RackNine, une entreprise établie à Edmonton, pour faire des milliers d'appels automatisés qui donnaient de mauvaises informations sur leur bureau de scrutin à des électeurs de la circonscription de Guelph, en Ontario.

RackNine a fourni ses documents informatiques, qui démontrent qu'un certain Pierre Jones a payé les coûts de ces appels automatisés avec un compte de paiement en ligne PayPal.

M. Mathews a alors pu trouver l'adresse de protocole internet (IP) de Pierre Poutine ou Jones jusqu'à Free Proxy Server. Le site web permet de substituer l'adresse IP véritable d'une personne.

Ces démarches ont alors mené l'enquêteur Mathews à Conquest, en Saskatchewan, d'où M. Norris exploite le site web. M. Norris a souligné à La Presse Canadienne qu'il est normal de se délester de vieux dossiers après un certain temps. Il a ajouté s'être soumis à l'ordonnance de communication, précisant s'être entretenu au téléphone avec Élections Canada le mois dernier.

Cette piste a finalement mené à un cul-de-sac. Élections Canada estime que la personne qui se cache derrière le nom de Pierre Poutine s'est servie de l'adresse IP d'Andrew Prescott, employé de campagne du candidat conservateur dans Guelph, Marty Burke.

Des documents de la cour dévoilés la semaine dernière démontrent que le compte RackNine de Prescott a été consulté à partir d'une adresse IP Rogers à Guelph. Au même moment, un autre individu a utilisé cette adresse IP pour se connecter au compte RackNine de Pierre Poutine.

Les documents de la cour ne mentionnent pas que M. Prescott se soit connecté à RackNine en prétendant être Pierre Poutine ou Pierre Jones. M. Mathews souligne qu'il devait s'entretenir avec M. Prescott le 8 mars, mais son avocat a annulé l'entretien la veille.

M. Prescott refuse de commenter l'affaire et renvoie les questions de La Presse Canadienne à son avocat.

Par ailleurs, deux employés de la campagne des conservateurs ont déclaré à M. Mathews - et en présence de l'avocat du Parti conservateur - avoir eu vent qu'un autre employé de la campagne de M. Burke, Michael Sona, avait ouvertement parlé de la méthode américaine pour faire de la politique. Il aurait également évoqué les appels trompeurs faits auprès d'électeurs qui ne votent pas pour les conservateurs.

M. Sona a démissionné de ses fonctions au bureau de la députée conservatrice Eve Adams après que son nom eut commencé à circuler dans le scandale des appels trompeurs.