Élections Canada a reçu 800 plaintes pour appels frauduleux à la suite du dernier scrutin fédéral, a révélé son grand patron, Marc Mayrand, jeudi, précisant que ce stratagème «absolument scandaleux» pourrait avoir touché les deux tiers des circonscriptions canadiennes.

Le gouvernement Harper a été placé sur la défensive, dans les dernières semaines, après qu'il eut été révélé que des appels trompeurs avaient dirigé des électeurs vers de faux bureaux de vote lors du scrutin du 2 mai dernier. Les partis de l'opposition accusent le Parti conservateur d'être à l'origine de cette campagne, qui aurait eu pour effet d'empêcher des électeurs de voter.

Le scandale a connu un nouveau rebondissement avec le témoignage du directeur général des élections devant un comité parlementaire.

Marc Mayrand a déclaré aux députés qu'Élections Canada avait reçu des plaintes relatives à des appels trompeurs dans 200 des 308 circonscriptions électorales. Les plaintes proviennent de chacune des 10 provinces et de 1 territoire.

Il qualifie le stratagème d'«absolument scandaleux», d'«inacceptable dans une démocratie moderne».

«Des appels automatisés informant des électeurs que leur bureau de scrutin a été déplacé lors des 41es élections générales ne venaient pas d'Élections Canada, a affirmé M. Mayrand. Toute action visant à délibérément induire en erreur des électeurs et à les priver de leur droit constitutionnel de voter est une infraction grave.»

M. Mayrand s'est montré avare de détails sur les enquêtes en cours, précisant aux élus que c'est le commissaire aux élections qui se penche sur l'affaire. À ses yeux, les résultats du scrutin du 2 mai restent valides.

«Quatre plaintes par circonscription»

Les députés conservateurs qui assistaient à l'Audience du comité ont été prompts à souligner ce passage du témoignage de M. Mayrand.

«Même une plainte est une plainte de trop, a admis le député saskatchewanais Tom Lukiwski. Mais lorsqu'on regarde les chiffres, 200 circonscriptions, cela équivaut à environ 4 plaintes par circonscription. Ce ne serait même pas proche de faire invalider les résultats des dernières élections.»

Les conservateurs ont toujours maintenu que l'affaire est une campagne de discrédit fomentée par les partis de l'opposition et que les appels frauduleux sont le fait d'une personne isolée.

Le député néo-démocrate David Christopherson estime que cette hypothèse a été sérieusement ébranlée par M. Mayrand.

«Toute idée que nous avons affaire à un voyou isolé me semble assez peu probable», a-t-il souligné.

«La portée de cette chose-là est beaucoup plus grande qu'on pouvait le croire avant, a renchéri le député libéral Marc Garneau. Je pense que c'est quelque chose d'extrêmement sérieux et j'espère qu'on va arriver au fond des choses.»

Pierre Poutine

On connaît un cas documenté d'appels frauduleux aux dernières élections, et il s'est produit dans la circonscription ontarienne de Guelph. Des citoyens ont reçu des appels automatisés, le 2 mai, qui les informaient que leur bureau de vote avait été déplacé.

Selon des documents produits en cour, ces appels provenaient d'un téléphone cellulaire enregistré sous un faux nom, celui de «Pierre Poutine», domicilié sur la «Separatist Avenue» à Joliette.

Dans son témoignage, Marc Mayrand a révélé que le téléphone de «Pierre Poutine» avait servi à appeler 6700 électeurs de Guelph lors des dernières élections.

Selon des documents produits par les enquêteurs d'Élections Canada, il se serait servi de l'appareil pour faire 10 appels dans les 2 jours qui ont précédé le scrutin. Tous ces appels auraient été dirigés vers des numéros rattachés à RackNine, société d'Edmonton proche des conservateurs.

L'entreprise a été embauchée par plusieurs candidats conservateurs lors de la dernière campagne électorale. Parmi ceux-ci, on compte trois ministres, dont le premier ministre Stephen Harper.

Des employés du candidat conservateur dans Guelph, Marty Burke, ont pour leur part appelé RackNine à 31 reprises pendant la campagne électorale, selon les documents produits en cour. La firme a également reçu 40 appels du Parti conservateur à Ottawa.