Lorsque des Canadiens se retrouvent en difficulté à l'étranger, le gouvernement leur vient parfois en aide en leur prêtant de l'argent. Mais Ottawa ne revoit que rarement la couleur de cet argent une fois que ses bénéficiaires sont sortis du pétrin.

Des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information démontrent en effet que le ministère des Affaires étrangères, par l'entremise de ses nombreuses ambassades, a prêté depuis 10 ans 4,7 millions de dollars à des Canadiens fauchés qui se trouvaient à l'étranger.

De cette somme, les autorités canadiennes n'ont réussi à recouvrer que 2,7 millions de dollars. Résultat : le ministère des Affaires étrangères, qui est responsable du Fonds d'assistance aux Canadiens en difficulté, créé en 1998, a été contraint de demander à Revenu Canada de se lancer aux trousses des mauvais payeurs.

Bon an, mal an, Ottawa offre une aide financière à quelque 400 Canadiens. En général, les sommes prêtées varient d'une centaine de dollars à quelque 2000$. Il y a évidemment des exceptions. Le ministère des Affaires étrangères a ainsi déjà prêté 5 $ à un Canadien sans le sou, mais il a aussi accordé un prêt de 52 000$ à un autre individu. Les documents ne précisent toutefois pas l'utilisation qu'en a faite le bénéficiaire.

Mais tout indique que, dans la plupart des cas, l'argent a servi à payer un billet d'avion, un séjour à l'hôtel ou de la nourriture.

«Le Fonds d'assistance aux Canadiens en difficulté offre de l'aide financière sous forme de prêt gouvernemental afin d'aider les Canadiens qui, lors d'une crise à l'étranger, n'ont à leur disposition aucune autre source d'aide», peut-on lire dans une note rédigée à l'intention du ministre des Affaires étrangères.

«Il incombe à chaque Canadien de payer ses propres frais de voyage. De l'aide financière n'est accordée qu'à la discrétion du gouvernement, selon les circonstances. Il ne s'agit pas d'un droit. Un des facteurs décisifs est le risque posé au bien-être du demandeur», affirme-t-on encore dans ces documents.

Les Canadiens qui obtiennent de l'aide financière du ministère des Affaires étrangères reçoivent une facture. Lorsqu'ils ne paient pas, Revenu Canada est appelé à intervenir.

Les responsables des relations avec les médias du ministère des Affaires étrangères n'ont pas rappelé La Presse hier.

Certains Canadiens qui ont connu des ennuis à l'étranger et dont les cas ont défrayé la chronique au pays ont eu recours à ce fameux fonds d'aide du ministère des Affaires étrangères.

C'est le cas notamment de Brenda Martin, cette femme de Trenton, en Ontario, qui a passé deux ans en prison au Mexique, accusée injustement d'avoir participé à une opération de blanchiment d'argent. Elle avait été condamnée à cinq ans de prison en avril 2008, mais les autorités mexicaines ont cédé aux pressions du gouvernement canadien et accepté qu'elle purge sa peine au Canada. Comme elle avait déjà passé deux ans derrière les barreaux avant sa condamnation, elle a pu recouvrer sa liberté après deux mois de prison au pays, ayant essentiellement purgé le tiers de sa peine.

Le gouvernement canadien avait puisé dans le Fonds d'assistance aux Canadiens en difficulté pour payer l'amende de 3500 $ imposée à Mme Martin. Cette dernière doit donc rembourser cette somme à Ottawa.

Un autre Canadien, Abousfian Abdelrazik, qui a été retenu au Soudan pendant six ans, a quant à lui obtenu 100 $ par mois pour subvenir à ses besoins pendant une partie de son séjour forcé.

En septembre, M. Abdelrazik a annoncé qu'il poursuivait le gouvernement canadien et le ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon à titre personnel pour une somme de 27 millions en tout.

L'homme de 47 ans soutient que le gouvernement canadien a bafoué son droit à la liberté et à la sécurité en étant complice de sa détention et en ne l'aidant pas à sortir du Soudan. En ce qui concerne le ministre Cannon, le plaignant affirme qu'il a commis une «faute dans l'exercice d'une charge publique» en refusant de lui délivrer un passeport et en le qualifiant de terroriste.

Citoyen canadien depuis 1995, M. Abdelrazik était allé rendre visite à sa mère au Soudan en 2003. Arrêté par les autorités locales, il a été interrogé par les Services canadiens du renseignement de sécurité (SCRS), qui le soupçonnaient d'avoir été impliqué avec Al-Qaeda. L'homme dit avoir été torturé pendant sa détention.

Il a été libéré en 2006 sans qu'aucune accusation soit portée ni par le Soudan, ni par le Canada. Son passeport était alors échu et le gouvernement canadien refusait de lui en délivrer un nouveau au motif qu'il était sur la liste d'interdiction de vol de l'Organisation des Nations unies. Abdelrazik s'était alors réfugié à l'ambassade canadienne à Khartoum.

- Avec William Leclerc