Jamais la main du gouvernement fédéral n'a semblé toucher le fond de son porte-monnaie en 2009. D'un bout à l'autre du pays se sont multipliées les réfections de ponts, les constructions d'autoroutes, les rénovations d'arénas et autres restaurations d'aqueduc.

Récession oblige, les conservateurs de Stephen Harper ont généreusement distribué les dollars du trésor public dans l'espoir de redonner de la vigueur à une économie tournant au ralenti.

À l'aube de 2010, le pays semble sur la voie de sortir de la crise, mais cette santé économique relative a tout un prix: un déficit s'élevant à 56 milliards $.

Devant ce chiffre astronomique, d'aucuns se souviendront qu'à peine quelques mois avant le début de l'an 2009, Stephen Harper et son ministre des Finances parlaient encore d'équilibre budgétaire. Ces mots seront désormais absents de leur vocabulaire pour au moins cinq ans, soit le temps que cela prendra avant d'enrayer les déficits, selon Jim Flaherty.

Le ministre prévient qu'il ne faut pas s'attendre à ce que 2010, sans pour autant être une année de vaches maigres, implique des dépenses aussi élevées que celles encourues au cours de l'année se terminant.

«Nous n'allons pas entreprendre de nouvelles initiatives de dépenses majeures», a prévenu M. Flaherty dans un discours au Canadian Club de Toronto en novembre.

Mais le ministre se défend de faire plonger le pays dans un déficit structurel qui signifierait à moyen terme une explosion de la dette.

«Lorsque le temps sera approprié, quand la reprise économique sera établie, et si c'est nécessaire, nous déterminerons les restrictions dans les dépenses de relance qui seront requises pour équilibrer le budget», a-t-il noté.

Le ministre des Travaux publics et lieutenant du premier ministre pour le Québec, Christian Paradis, admet que les choix seront difficiles quand viendra le temps de mettre la hache dans les dépenses.

«Les dépenses publiques, faudra avoir ça à l'oeil, il ne faut pas se faire de cachette. Oui, il y aura des choix difficiles», a-t-il expliqué en entrevue à La Presse Canadienne.

Selon M. Paradis, ces décisions devront malgré tout être prises.

«Je regarde mes jeunes enfants et je serais très malheureux un jour s'ils me disaient: «tu as été au sein d'un gouvernement qui nous a légué une dette insurmontable»«, a-t-il noté.

Voir venir la crise

La récession a frappé l'ensemble de la planète cette année, et dans ce contexte, il aurait été pratiquement impossible pour le Canada d'y échapper. Mais ce que les partis d'opposition reprochent au gouvernement, c'est la lenteur avec laquelle il a pris conscience de l'ampleur de la crise.

Le budget de Jim Flaherty en janvier dernier faisait état d'un déficit s'élevant à 34 milliards $ pour l'année financière à venir. Dans son quatrième bilan économique déposé en décembre, force lui est de constater que le chiffre anticipé a gonflé de près des deux tiers, pour s'établir à 55,9 milliards $.

Selon le chef néo-démocrate, Jack Layton, le gouvernement a pris conscience trop tardivement de l'urgence d'agir pour contrer la crise.

«M. Harper ne voulait pas agir il y a un an. Il a dit qu'il n'avait aucune raison d'avoir un budget pour stimuler l'économie (...). La crise politique où il a eu la possibilité de perdre son emploi l'a forcé à changer de direction», a-t-il confié en entrevue, faisant référence à l'énoncé économique qui avait engendré la création d'une coalition de l'opposition.

Pour les libéraux, les conservateurs ont tout simplement fait les mauvais choix dans leur plan de relance. Leur chef Michael Ignatieff a de nombreuses fois dénoncé le manque de vision des conservateurs qui, plutôt que de se lancer dans des projets d'envergure et d'investir dans les sciences et les technologies, ont préféré saupoudrer ses sous dans les chantiers du pays.

«Les Canadiens se rendent compte qu'ils ont un gouvernement qui ne prend pas en charge leur avenir. C'est un gouvernement conservateur qui pense seulement à sa survie jusqu'à demain matin», a-t-il lancé lors d'un entretien avec La Presse Canadienne.

Parti pris?

Ce qu'ont reproché les libéraux à leurs adversaires au pouvoir, c'est aussi de ne pas avoir été équitable dans la répartition des fonds destinés aux projets d'infrastructures.

Tout au cours de l'automne, les députés du Parti libéral du Canada (PLC) ont enchaîné les conférences de presse, brandissant des chiffres démontrant selon eux que les comtés conservateurs récoltaient plus que leur juste part des montants fédéraux.

La controverse entourant les photos de députés conservateurs tenant dans leur main des chèques géants aux couleurs de leur parti plutôt que celles du gouvernement n'a rien fait pour faire taire les mécontents.

Enfin, pour ajouter de l'huile sur le feu, des candidats conservateurs ont insinué lors des élections partielles de novembre que leurs électeurs auraient tout avantage à voter pour quelqu'un issu de la formation au pouvoir.

Le ministre Paradis a affirmé trouver «mesquin et malheureux», de la part des libéraux, d'accuser les conservateurs de parti pris dans l'attribution des fonds. Il a argué cependant qu'il était plus avantageux d'élire un député du parti au pouvoir que de l'opposition.

«Quelqu'un qui travaille au niveau du gouvernement sait bien comment la machine fonctionne, peut voir les opportunités, et à partir de là, (il s'agit d'être) un bon lobbyiste pour son comté», a-t-il souligné.

Le Bloc québécois n'a pas relayé les arguments libéraux sur le favoritisme et son chef Gilles Duceppe affirme que les circonscriptions bloquistes ont eu leur juste part du gâteau.

Là où le bât blesse pour M. Duceppe, c'est au niveau des choix stratégiques du gouvernement qui vont à l'encontre des intérêts du Québec, selon lui. Des milliards ont été injectés pour les travailleurs de l'industrie automobile de l'Ontario, a-t-il noté, et presque rien pour ceux de la foresterie au Québec. Même son de cloche lorsqu'il s'agit d'environnement, où le Québec a fait des pas de géants qu'Ottawa refuse de reconnaître, a-t-il déploré.