Il n'y aura pas d'élections fédérales en 2010, s'il n'en tient qu'au chef du Parti libéral, Michael Ignatieff.

Après avoir vainement tenté cet automne de provoquer la chute du gouvernement minoritaire de Stephen Harper - encaissant du coup la réprobation générale des Canadiens -, M. Ignatieff dit avoir compris le message.

Les Canadiens ne voulaient pas d'élections en 2009 parce qu'ils étaient inquiets de l'état de santé de l'économie, selon le chef libéral. Ils ne voudront pas plus d'élections en 2010 parce qu'ils sont toujours aussi préoccupés par la situation économique qui prévaut au pays, selon lui.

Résultat: Michael Ignatieff entend continuer à talonner le gouvernement conservateur à la Chambre des communes sur sa gestion des affaires de l'État tout en reconstruisant son parti en proposant de nouvelles politiques aux Canadiens dans les dossiers importants comme l'environnement, l'économie, les pensions, le vieillissement de la population ou les finances publiques.

Le Parti libéral tiendra d'ailleurs une conférence «de grands penseurs» à Montréal à la fin du mois de mars, afin de brasser de nouvelles idées qui permettront de convaincre les électeurs de lui confier de nouveau les rênes du pouvoir.

En principe, Stephen Harper pourra donc continuer à gouverner le pays sans craindre une défaite aux Communes au cours des prochains mois, dans la mesure où les conservateurs ne proposent pas de pilule empoisonnée dans le prochain budget, prévu en février ou en mars.

«L'année 2009 a été une année d'apprentissage, je dirais. J'ai beaucoup appris», a affirmé d'emblée hier le chef libéral dans une entrevue accordée à La Presse à la résidence officielle de Stornoway. En privé, les stratèges libéraux n'écartent pas l'idée que les prochaines élections aient lieu en 2011 seulement afin de se donner assez de temps pour refaire leurs forces.

Problèmes

Aux commandes du Parti libéral depuis un an maintenant, M. Ignatieff a connu sa part de problèmes au cours des 12 derniers mois. Alors que son parti avait réussi à dépasser le Parti conservateur dans les intentions de vote au printemps, M. Ignatieff a vu sa lune de miel prendre fin de manière abrupte en juin après qu'il eut brandi la menace de renverser le gouvernement Harper, avant de battre rapidement en retraite deux jours plus tard.

En août, M. Ignatieff a ensuite déclaré que ses troupes tenteraient de renverser le gouvernement Harper aux Communes à la première occasion. Les libéraux ont déposé une motion de censure contre les conservateurs en octobre, mais le NPD s'est abstenu de voter, permettant ainsi aux troupes de Stephen Harper de se maintenir au pouvoir et d'éviter un quatrième scrutin en cinq ans.

Au même moment, M. Ignatieff a vu les appuis à son parti chuter de manière brutale dans les sondages au point où ils avoisinent aujourd'hui les 26%, une dizaine de points derrière les conservateurs.

Les libéraux ont ensuite fait piètre figure aux élections partielles qui ont eu lieu le 9 novembre dans quatre circonscriptions au pays, dont deux au Québec, terminant troisièmes dans les quatre batailles.

«Les Canadiens ne voulaient pas d'élections en 2009. J'ai entendu ce message cinq sur cinq. Et c'est clair. Il faut toujours être à l'écoute des citoyens. Il ne faut pas trop écouter la presse. Il ne faut pas trop écouter la bulle d'Ottawa. Il faut sortir de la bulle. Pour les Canadiens, c'était une année d'angoisse et d'inquiétude économique», a affirmé M. Ignatieff.

Interrogé au sujet de ses intentions en 2010, M. Ignatieff a affirmé: «Ça ne dépend pas juste de moi. Il y a quatre partis (aux Communes). Mais je crois que les Canadiens sont toujours inquiets au sujet de l'économie. Ils nous disent sans cesse: "Ça suffit, les élections. Faites votre travail et laissez-nous en paix." Je crois que cela va continuer en 2010.»

Nouvelles idées

Alors qu'il décrit le gouvernement Harper comme un gouvernement «hyper partisan» et «sans vision», M. Ignatieff entend contrer les attaques de ses adversaires conservateurs en proposant de nouvelles idées aux Canadiens pour les convaincre qu'il existe une option de rechange crédible et digne de confiance.

«Je suis très patient et je suis très tenace, a-t-il affirmé. Malgré toutes les attaques contre moi, ils (les conservateurs) sont coincés (dans les sondages). Ils n'avancent plus. Cela me donne une certaine confiance qu'il y a des gens qui ne votent pas selon la personnalité d'un chef. Les gens ont des inquiétudes. Ils vont voter pour quelqu'un qui répond à leurs véritables inquiétudes sur les pensions, sur l'avenir économique, les soins de santé, le déficit. Ces sont les véritables enjeux», a-t-il dit.

«La priorité en 2010 est de créer cette option crédible, modérée, au centre, bien détaillée, bien bouclée. Nous avons beaucoup de travail à faire», a-t-il ajouté.