La publication des commentaires assassins de Janine Krieber sur le Parti libéral du Canada prouve que les politiciens s'exposent à de sérieux maux de tête lorsqu'ils se servent de l'internet, affirme l'expert en marketing Luc Dupont.

Sur sa page Facebook, qui n'est pourtant pas accessible à l'ensemble des internautes, la femme de Stéphane Dion y est allée d'une charge vitriolique contre le PLC et son chef Michael Ignatieff, vendredi dernier (voir autre texte). Elle a retiré le message de son site peu après, mais trop tard: le message avait déjà été lu par des membres du parti... et envoyé à un journaliste.

Selon M. Dupont, cet épisode témoigne des risques auxquels s'exposent les politiciens lorsqu'ils s'aventurent sur la Toile. Car désormais, tout commentaire placé sur un site internet est susceptible d'être repris par des adversaires politiques, même des années plus tard.

«C'est un bel exemple de quelqu'un qui ne réalise pas que, sur Facebook, la ligne qui a historiquement été tracée entre vie publique et vie privée n'existe plus», estime le professeur au département de communication de l'Université d'Ottawa.

La popularité des sites de réseautage comme Facebook et Twitter est plus forte que jamais, et les politiciens sont de plus en plus nombreux à y exprimer leurs états d'âme. Près du tiers des députés fédéraux alimentent maintenant leur compte Twitter. Et certains commencent à en payer le prix.

Des internautes ont récemment usurpé les profils du premier ministre Stephen Harper et du sénateur Mike Duffy, ancien animateur de CTV. D'autres se sont moqués de la moustache de Jack Layton, ou encore du chat de Michael Ignatieff.

Selon Luc Dupont, ces frasques devraient pourtant inciter les élus à occuper la Toile. «Parce que s'ils ne le font pas, résume-t-il, d'autres le feront à leur place.»

Thierry Giasson, politologue à l'Université Laval, abonde dans le même sens. Selon lui, les partis politiques ont tout intérêt à occuper la Toile, même si cela veut dire qu'ils ne pourront plus contrôler strictement les propos de leurs membres.

«Pour les partis, il faut accepter une certaine perte de contrôle, affirme-t-il, mais aussi se préparer à mieux gérer les crises potentielles.»

La semaine dernière, par exemple, la députée libérale Michelle Simson a dû s'excuser auprès d'un vis-à-vis conservateur parce qu'elle a écrit sur Twitter qu'il devrait gagner en maturité et sourire davantage. Cet incident a d'ailleurs amené le député néo-démocrate Charlie Angus à se plaindre que Twitter ramenait les députés au niveau des enfants de neuvième année.

Il reste que le cas de Janine Krieber est particulier, estime M. Giasson. Cette politologue, dont le mari est un politicien aguerri, aurait dû savoir que ses commentaires étaient susceptibles de faire des vagues, même s'ils ont été émis dans le cadre restreint de son cercle Facebook.

«Lorsqu'on décide de s'inscrire sur Facebook en 2009, explique-t-il, on ne peut pas plaider l'ignorance.»