En pleine tourmente éthique au Parlement, le sénateur Léo Housakos a quitté le Canada lundi pour accompagner la gouverneure générale Michaëlle Jean dans un voyage officiel de quelques jours en Grèce.

Le site web de Mme Jean indique en effet que M. Housakos, dont les liens avec le controversé entrepreneur en construction Tony Accurso ont refait surface au cours des derniers jours, fait partie de la délégation qui assistera à la cérémonie de passation de la flamme olympique au Canada.

Le bureau du sénateur a indiqué que ce voyage était planifié depuis longtemps et n'avait pas été improvisé pour lui permettre d'échapper à l'attention médiatique et politique des derniers jours.

Mais même de la Grèce, le sénateur Housakos a continué à faire parler de lui, et réussi le tour de force de placer sur la défensive le gouvernement fédéral, l'ADQ, le Bloc québécois, Radio-Canada et l'attaché de presse du premier ministre Stephen Harper, Dimitri Soudas, mardi.

À la Chambre des communes, le Parti libéral et le Bloc québécois ont demandé des explications au gouvernement par rapport à deux différents dossiers. La députée libérale Marlene Jennings a demandé au gouvernement de s'assurer que les allégations de corruption qui fusent en ce moment à Montréal n'atteignent pas Ottawa.

«Les conservateurs disent faire pleuvoir des milliards de dollars pour de l'asphalte et du ciment. L'argent des contribuables se trouve-t-il dans les poches d'individus ou d'organisations louches? Les amis du sénateur Housakos et du conseiller du premier ministre, Dimitri Soudas, sont-ils des gens fréquentables? Existe-t-il un système pour gonfler artificiellement les prix?» a-t-elle demandé.

Le Bloc québécois, pour sa part, a une nouvelle fois posé des questions sur un contrat de plus d'un million de dollars accordé récemment par la société d'État chargée de gérer le pont Champlain à la firme BPR, dont M. Housakos était l'un des vice-présidents. Questionné à l'extérieur de la Chambre pour savoir pourquoi il n'avait pas abordé les liens entre MM. Housakos et Accurso, le chef bloquiste Gilles Duceppe s'est défendu en disant : «Ce n'est pas une question de vouloir y toucher ou pas. C'est une question d'avoir des faits bien précis».

Mise en demeure

Dans une entrevue donnée à Radio-Canada la semaine dernière, l'ancien chef du parti Vision Montréal, Benoit Labonté, a déclaré que c'était l'entrepreneur en construction Tony Accurso qui lui avait présenté Léo Housakos, à l'été 2008. Le nom de M. Accurso, président de plusieurs compagnies dont Construction Simard-Beaudry, a été associé à plusieurs reprises au scandale de la collusion entre le secteur privé et l'hôtel de ville de Montréal.

Radio-Canada n'a toujours pas présenté cet extrait tiré de l'entrevue de trois heures accordée par M. Labonté. Selon des sources, un reportage devait être présenté hier. M. Housakos a toutefois fait parvenir une lettre de mise en demeure à la société d'État, qui a finalement décidé d'attendre. Le porte-parole de Radio-Canada, Marc Pichette, a indiqué que cette décision n'était pas attribuable aux démarches de M. Housakos, mais plutôt au besoin de ses journalistes de poursuivre leur enquête.

L'Action démocratique du Québec a quant à elle clarifié certains propos rapportés lundi soir sur le site web des employés en lock-out du Journal de Montréal, RueFrontenac.com. Sous le titre : «Léo Housakos persona non grata à l'ADQ de Gilles Taillon», on rapportait que le nouveau chef du parti ne voulait «rien savoir» de l'argent ramassé par M. Housakos et qu'il lui avait fait savoir.

En entrevue à La Presse, l'attaché de presse de M. Taillon a indiqué que ce refus s'expliquait par une volonté de son patron d'affranchir sa formation de l'emprise des conservateurs fédéraux, et non pas à cause des fréquentations ou méthodes de M. Housakos. «M. Housakos est un sénateur conservateur et M. Taillon souhaite assurer l'autonomie politique de l'ADQ face au Parti conservateur. Donc les appuis formels qu'il y avait, il ne souhaite pas les avoir maintenant», a déclaré Sébastien Lépine.

Port de Montréal

Quant à Dimitri Soudas, l'un des principaux conseillers pour le Québec du premier ministre Harper, une vieille histoire est revenue le hanter, mardi, lorsque que des journalistes lui ont demandé pourquoi, vers le mois de mai 2007, il était intervenu auprès du conseil d'administration du Port de Montréal pour leur dire que Robert Abdallah était le choix du bureau du premier ministre pour succéder à Dominic Taddeo à titre de PDG du port.

En entrevue à La Presse la semaine dernière, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a affirmé avoir été alerté par les «méthodes particulières» de M. Abdallah peu après son entrée à la ville au poste de directeur général, en 2003. M. Abdallah travaille aujourd'hui pour Gastier, une compagnie de Tony Accurso.

M. Soudas a refusé hier d'expliquer pourquoi il avait ainsi tenté de faire embaucher Robert Abdallah - qui était par ailleurs également le choix de l'administration Tremblay-Zampino, à l'époque. «Le gouvernement a exprimé une opinion dans le dossier mais ultimement, c'est le conseil d'administration qui a pris la décision», s'est-il borné à dire.