Le gouvernement Harper a déposé hier à la Chambre des communes un projet de loi destiné à resserrer les critères régissant le système des libérations conditionnelles et des libérations automatiques.

Ce projet de loi C-53, promis par les conservateurs depuis quelques mois, vise plus particulièrement les personnes condamnées pour des délits non violents, en particulier les bandits à cravate.Des ministres du gouvernement Harper ont fait l'annonce de cette nouvelle mesure simultanément dans plusieurs villes du pays. À Montréal, les ministres Christian Paradis (Travaux publics) et Peter Van Loan s'en sont chargé. Accompagnés de représentants des victimes de Vincent Lacroix et d'Earl Jones, les deux ministres ont martelé que les Canadiens et les Québécois réclamaient des peines plus sévères pour les bandits en cravate. M. Paradis a qualifié de «crimes crapuleux» les cas les plus médiatisés des derniers mois.

À l'heure actuelle, les personnes condamnées une première fois pour des crimes non violents (fraudes, vols, trafic de drogue) peuvent être libérées sous condition au sixième de leur peine et jouir d'une libération conditionnelle complète au tiers de celle-ci. Le projet de loi proposera un système de libération conditionnelle axée sur le mérite. Autrement dit, les prisonniers devront faire preuve d'un réel repentir et d'une volonté de réinsertion sociale avant de pouvoir obtenir une libération conditionnelle.

M. Van Loan a profité de sa tribune pour décocher des flèches aux libéraux qui, à ses yeux, sont davantage désireux de faire des économies que de protéger le public. «Je ne serais pas surpris que les libéraux commencent à contester ce projet de loi au Sénat, même s'ils ont voté en faveur à la Chambre des communes, a-t-il dit. Encore ce week-end, on a entendu leur critique en matière de Sécurité publique, Mark Holland, chercher des excuses pour ne pas appuyer notre projet. Il évoquait des questions de coûts. Il semble que dans l'esprit des libéraux, il soit acceptable de les laisser (les bandits à cravate) libres si cela permet au gouvernement de sauver quelques dollars. Nous ne croyons pas à cela.»

En fin de semaine, M. Holland a dit que les libéraux étaient en principe d'accord avec une loi plus musclée de lutte contre la criminalité, mais que le gouvernement devait dire clairement combien cela coûtera à l'État. Interrogé à ce sujet, hier, M. Van Loan a évalué à 60 millions le coût annuel de ce nouveau projet. «C'est une fraction de ce que coûtent les agissements des criminels à cravate à la société», a-t-il affirmé.

Hier, à Ottawa, le Parti libéral a annoncé qu'il avait l'intention d'appuyer le projet de loi. Cependant, il souhaite aussi entendre des experts sur la justesse des mesures proposées par les conservateurs.

«Nous allons appuyer ce projet de loi pour l'envoyer en comité. Comme nous l'avons dit à maintes reprises, dans le cas d'une fraude massive, genre les allégations dans la situation d'Earl Jones, ou le cas de M. Lacroix, nous ne croyons pas qu'une libération accélérée après un sixième de la peine ait beaucoup de sens. Alors nous pensons dans ce sens-là que c'est une bonne mesure. Cependant, comme dans toutes les annonces du gouvernement, nous ne connaissons pas les coûts d'une telle mesure. Nous avons des inquiétudes profondes quant au nombre de détenus qui vont être gardés dans des prisons fédérales», a dit M. LeBlanc.

Pour sa part, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a dit vouloir analyser le projet de loi dans son ensemble avant de se prononcer. Mais il a rappelé que son parti réclame depuis plusieurs années l'abolition de la libération après le sixième de leur peine dans le cas des bandits à cravate. M. Duceppe a soutenu que les conservateurs auraient d'ailleurs agi plus rapidement en adoptant le projet de loi du Bloc québécois à ce sujet en septembre.

«Ils auraient pu agir très rapidement avec nous, l'autre jour, mais ils veulent tourner ça à leur profit», a déploré le leader bloquiste.