Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a traîné Guy Lafleur dans le débat sur la réforme du Code criminel par le gouvernement Harper, hier à la Chambre des communes.

 

«Avec les nouvelles propositions législatives du gouvernement pour éliminer les peines avec sursis, une personne qui est reconnue coupable, par exemple, de parjure, quelles que soient les circonstances - comme c'est malheureusement arrivé à Guy Lafleur -, serait obligée de purger sa peine en prison, à moins d'avoir une peine suspendue», a déclaré M. Duceppe lors de la période de questions.

Le chef bloquiste dénonçait C-42, l'un des nombreux projets de loi du gouvernement qui visent à durcir la justice criminelle et qui était débattu en deuxième lecture hier. Ce projet vise à retirer la possibilité pour un juge d'ordonner des peines de prison à purger dans la collectivité, dans certaines circonstances, comme les cas où une peine minimale ou une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans sont prévus.

Or, est-il exact que le célèbre numéro 10 aurait dû purger une peine de prison si C-42 avait été en vigueur en juin dernier, comme l'a laissé entendre Gilles Duceppe ?

«Ça n'aurait rien changé», a tranché l'avocat de l'ancienne vedette du Canadien, Jean-Pierre Rancourt, joint par La Presse en fin de journée.

Guy Lafleur a été reconnu coupable d'avoir livré des témoignages contradictoires dans la cause de son fils, un crime passible d'une peine d'emprisonnement de 14 ans, donc qui serait visé par C-42. Or, la Cour du Québec l'a condamné à une peine d'un an avec sursis, accompagnée d'une amende de 10 000 $ à remettre à une oeuvre de charité.

Une fois adopté, C-42 permettrait au juge de donner n'importe quelle peine, a expliqué Me Rancourt. Mais «s'il en vient à la conclusion que c'est une peine de prison, il n'aurait pas le droit de donner une peine de prison avec sursis», a-t-il ajouté.

Pas raté la cible

Marc-Antoine Carette, autre avocat criminaliste de Montréal, croit que Gilles Duceppe n'a pas complètement raté la cible, lors de sa charge aux Communes.

«Le projet de loi enlève au juge l'une des seules options dont il dispose», a-t-il déploré. Les autres options incluent les travaux communautaires, l'amende ou la prison.

«Avec C-42, on ne peut plus donner l'entre-deux à un coupable. Il faut tout de suite sauter à l'emprisonnement. La gradation n'est pas logique», a renchéri la vice-présidente montréalaise de l'Association québécoise des avocats et avocates de la Défense, Debora De Thomasis, qui suit ces questions de près depuis quelques années.

Révolution sans débat

À l'instar de Gilles Duceppe, Me De Thomasis et Me Carette ont dénoncé ce qu'ils décrivent comme une volonté récurrente du gouvernement Harper de retirer la discrétion aux juges dans la plupart de ses projets de loi en matière de justice criminelle.

Et ils sont légion. Près du quart des projets gouvernementaux actuellement inscrits au feuilleton de la Chambre des communes visent à modifier le Code criminel ou une loi connexe. Hier encore, le ministre de la Justice en a déposé un nouveau, qui tente entre autres d'imposer des peines minimales pour lutter contre les crimes de cols blancs, tandis que le ministre de la Sécurité publique a réitéré sa volonté d'en déposer un autre «très bientôt».

Avec tous ces projets - sans compter les dizaines d'autres présentés par des députés de tous les partis -, Deborah De Thomasis craint que l'on ne soit en train d'assister à une véritable redéfinition de notre système de justice criminelle, sans débat et avec, en prime, des excès de démagogie et d'électoralisme de part et d'autre de la Chambre des communes.

«On ne s'y prend pas de la bonne façon, a-t-elle lancé. Ce qu'on fait, c'est qu'à la pièce, on découd le Code criminel, au lieu de se pencher sur ce qu'on veut que notre système de justice pénal représente. Est-ce qu'on devrait modifier ce qu'il représente, et si oui, comment ?»