Jean Chrétien est-il tenté de faire un deuxième retour en politique afin de remettre le Parti libéral sur ses rails? L'ancien premier ministre est-il inquiet des déboires de son parti?

Le «p'tit gars de Shawinigan», qui a reçu l'Ordre du mérite des mains de la reine Élisabeth II au palais de Buckingham, se fait souvent prier par les gens, dans la rue, de revenir en politique afin de redonner au Parti libéral ses lettres de noblesse à Ottawa.

 

Des députés et des militants libéraux s'ennuient de plus en plus de l'époque où le Parti libéral, dirigé par M. Chrétien, faisait la pluie et le beau temps dans la capitale fédérale. L'ex-premier ministre a formé trois gouvernements majoritaires libéraux de suite, en 1993, 1997 et 2000, avant de tirer sa révérence en 2003.

S'il dit apprécier que des gens croient encore qu'il pourrait ramener le Parti libéral à la victoire, M. Chrétien exclut tout retour en politique.

«Non, absolument pas. C'est terminé, a affirmé M. Chrétien dans une entrevue accordée à La Presse depuis Londres. Beaucoup de gens me disent cela dans la rue. Je leur dis merci beaucoup. Les gens sont nostalgiques. C'était des bonnes années quand on était au pouvoir. Quand on les vit, on ne le réalise pas. Mais quand on est parti... C'est agréable à écouter. C'est tout.»

Âgé de 75 ans, M. Chrétien n'a pu s'empêcher de lancer une boutade lorsqu'il a été interrogé au sujet d'un possible retour. Il a rappelé que William Gladstone a réussi à se faire élire premier ministre de la Grande-Bretagne à l'âge de 82 ans.

«Il est prématuré de parler d'un retour! Gladstone est revenu à l'âge de 82 ans. Et si on tient compte de l'espérance de vie des êtres humains aujourd'hui, 82 ans au XIXe siècle équivalent probablement à 96 ans aujourd'hui. Alors cela me donne encore beaucoup de temps pour y réfléchir», a-t-il blagué.

Que pense-t-il des états d'âme de certains membres de son parti qui le voient à nouveau aux commandes du PLC? «Il y a toujours des murmures dans un parti politique. J'en ai connu. Vous en avez entendu beaucoup. Il y a bien des spécialistes qui aiment parler aux médias mais qui ne veulent pas que leur nom soit utilisé. Ce ne sont pas nécessairement les plus braves. Et quand on est dans l'opposition, c'est pire. Ça existe même quand vous avez beaucoup de succès. Dans l'opposition, c'est toujours difficile», a dit M. Chrétien.

De la sympathie pour Ignatieff

Cela dit, l'ancien premier ministre a dit comprendre la tâche difficile qui incombe à Michael Ignatieff. Quand il a fait un retour en politique, en 1990, après quatre ans d'absence, M. Chrétien a connu des moments difficiles comme chef de l'opposition officielle.

«J'ai eu des moments difficiles aussi comme chef de l'opposition. C'est difficile d'être dans l'opposition. C'est difficile d'être chef d'un parti. Et c'est difficile d'être premier ministre. C'est difficile de gagner des élections. C'est un métier difficile. Mais il y a des moments agréables. Ce matin en a été un», a-t-il dit au sujet de la décision de la reine Élisabeth II de lui accorder l'Ordre du mérite.

Quant à Michael Ignatieff, il doit donner le meilleur de lui-même pour convaincre les électeurs qu'il est celui qui peut le mieux remplacer Stephen Harper au pouvoir, estime M. Chrétien.

«Il doit faire de son mieux. Il est le chef. S'il me demande mon avis, je serai content de lui en donner. Mais c'est lui qui décide. Il ne faut pas blâmer les conseillers. En bout de piste, quand j'étais premier ministre, c'est moi qui prenais le blâme et qui prenais le crédit. Il y en a qui veulent prendre le crédit, mais ils ne veulent pas prendre le blâme. Dans mon cas, cela ne me dérangeait pas», a conclu M. Chrétien.