Michael Ignatieff est prêt à prendre le risque politique de tenir une «conversation entre adultes» avec les citoyens canadiens au sujet des «douloureuses mesures» à adopter pour régler la dette du Canada, incluant des hausses d'impôts et des taxes.

Selon ce qu'ont confié de hauts responsables du PLC à La Presse Canadienne, le chef libéral est sur le point de lancer une discussion «pleine de franchise», relative aux options réalistes pouvant être adoptées afin de stopper «l'effusion d'encre rouge» dans les livres comptables du gouvernement.

Cela inclut des hausses d'impôts et des taxes, d'importantes réductions des dépenses, le maintien du déficit pendant une plus longue période de temps que prévue à l'origine, ou une combinaison de ces trois hypothèses.

Mais dans une déclaration, tard mercredi, M. Ignatieff a insisté pour dire qu'il n'avait aucunement l'intention d'augmenter les impôts.

«J'ai été clair, a-t-il rappelé. Les hausses d'impôts ne font pas partie de notre programme. Notre économie est fragile. Accroître le fardeau fiscal des familles à faible et moyen revenu, ou des petites entreprises, est une mauvaise philosophie.»

M. Ignatieff ne dévoilera pas sa stratégie personnelle pour attaquer le déficit tant que des élections ne seront pas imminentes, ce qui apparaît peu probable cette année.

Selon certaines sources, le chef libéral veut se faire une meilleure idée de l'état de la situation économique du pays, et veut savoir à quel point les électeurs sont prêts à se serrer les dents avant de soumettre une proposition élaborée.

Néanmoins, en affichant une volonté d'aborder des sujets aussi délicats que les hausses d'impôts et les restrictions budgétaires, M. Ignatieff court un grand risque.

Habituellement, les électeurs rejettent l'idée de payer plus de taxes et d'impôts, même pour une bonne cause. C'est ce qu'a constaté le prédécesseur de M. Ignatieff, Stéphane Dion, lorsqu'il a proposé une taxe sur le carbone lors de la dernière campagne électorale.

Et les conservateurs sont passés maîtres dans l'art de réduire ce débat à sa plus simple expression: les hausses de taxes sont néfastes et les libéraux veulent vous faire dépenser davantage.

M. Ignatieff a vu à quel point les conservateurs pouvaient interpréter ces moindres propos, le printemps dernier, lorsqu'il a laissé sous-entendre que des hausses d'impôts pouvaient être nécessaires, à moyen ou long terme. Les conservateurs ont exploité cette déclaration au point où le chef libéral a dû faire volte-face à peine quelques heures plus tard.

Mais selon des sources d'information, c'était avant que le déficit de l'année fiscale en cours ne gonfle au point de s'élever à 56 milliards $ - le plus important dans l'histoire du Canada - et ce, malgré les propos du premier ministre Stephen Harper, il y a un an, selon lesquels le pays pourrait résister à la récession sans devoir faire face à un déficit.

Et c'était également avant que le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, ne prédise un déficit structurel de près de 12 milliards $ d'ici 2013-2014 - des chiffres qui, selon les libéraux, seront encore plus élevés lorsque M. Page présentera son prochain rapport dans quelques semaines.

Ces sources pensent que M. Ignatieff est prêt à parier que les Canadiens veulent des réponses honnêtes au sujet de l'ampleur du déficit, et qu'ils savent déjà qu'ils devront souffrir pour en sortir.

«C'est l'éléphant dans un magasin de porcelaine», a résumé un stratège.

M. Ignatieff envisage donner le coup d'envoi à cette stratégie en prononçant un discours à la Chambre de Commerce de London, en Ontario, jeudi. Suivront plusieurs séances de discussions ouvertes afin d'engager les Canadiens dans le débat.