Denis Coderre est désormais un député sous haute surveillance par ses propres collègues libéraux. Une autre sortie en règle contre le chef libéral Michael Ignatieff et son entourage «torontois» et il risque l'expulsion du parti.

M. Ignatieff a d'ailleurs été contraint de contenir la colère de plusieurs députés libéraux à la réunion du caucus cette semaine à Ottawa. Ces députés ont réclamé le départ de M. Coderre après sa démission fracassante de lundi de son poste de lieutenant politique.«Des députés anglophones (NDLR: de l'extérieur du Québec) ont parlé ouvertement au caucus d'adopter un blâme et certains discutaient même entre eux de l'expulser», a confirmé une source mêlée de près aux discussions.

Mais des députés du Québec ont rapidement fait valoir au chef libéral qu'expulser M. Coderre risquerait d'empirer la situation du parti puisque cela aurait pour effet de faire du député de Bourassa un «martyr», ce qui pourrait lui valoir une vague de sympathie au Québec.

«Je sais que ça s'est discuté et que bien des gens sont en colère au sein du parti, mais il faut éviter d'en arriver là, ce serait une grave erreur», a estimé un libéral influent.

Question de calmer le jeu, dès le début de la réunion du caucus de mercredi, Michael Ignatieff a lancé un mot d'ordre à ses députés: «Je vais m'occuper moi-même de Denis Coderre, c'est moi qui vais commenter l'affaire en public.»

En confirmant sa démission, M. Coderre a lancé une véritable grenade en direction de M. Ignatieff en affirmant que ses conseillers torontois tentaient de prendre le contrôle de l'aile québécoise du PLC. Il a fait cette sortie après que M. Ignatieff eut renversé la décision de M. Coderre d'empêcher Martin Cauchon de faire un retour en politique dans la circonscription d'Outremont.

«Il y a des députés qui veulent l'expulser du caucus. Un autre faux pas de sa part et il sera éjecté», a confirmé à La Presse une autre source libérale digne de foi.

Ces députés sont d'autant plus en colère que M. Coderre a accepté de participer à l'émission Tout le monde en parle de Radio-Canada pour discuter de sa situation au sein du Parti libéral, ce qui risque de prolonger la crise actuelle que vivent les libéraux.

«Comment pouvait-il accepter de participer à une telle émission qui sera diffusée le jour même où le chef prononce un discours important à Québec à l'occasion du congrès de l'aile québécoise du PLC? Il le savait très bien que cela avait lieu le même jour», a commenté un stratège libéral.

Malgré la grogne, les libéraux du Québec estiment que ce serait «la pire chose à faire que de mettre Denis Coderre à la porte».

«On en ferait un martyr et nous ne ferions qu'empirer notre cas sur la place publique, a dit un conseiller libéral. Nous sommes le Parti libéral, on ne peut éjecter quelqu'un parce qu'il s'exprime. Les députés de Terre-Neuve ou de Colombie-Britannique sont loin de la réalité québécoise, il faut les calmer et leur expliquer les conséquences d'un geste extrême.»

Dès mardi soir, des députés et des conseillers québécois ont dû rencontrer leurs collègues du reste du pays pour tenter d'adoucir leurs sentiments à l'égard de l'ex-lieutenant. L'histoire a fait du bruit au Québec, mais elle a aussi fait la une des plus grands quotidiens du Canada anglais mardi et mercredi, aggravant encore la crise.

Hier matin, Michael Ignatieff a tout de même lancé un avertissement à peine voilé à son ancien lieutenant politique en affirmant que le député «sait ce qu'il doit faire» pour ne pas nuire aux intérêts du parti.

Interrogé pour savoir s'il ne craignait pas que le député de Bourassa jette encore de l'huile sur le feu en participant à l'émission Tout le monde en parle qui sera diffusée dimanche, M. Ignatieff a déclaré: «M. Coderre sait ce qu'est le Parti libéral. M. Coderre sait ce à quoi on s'attend de lui.»

«Dimanche, nous aurons un congrès à Québec. J'attends ce congrès avec impatience. On a perdu un individu. On n'a pas perdu l'équipe. En fait, l'équipe est plus forte que jamais. Il faut se concentrer sur cela. Vous allez voir l'équipe en marche au congrès dans la ville de Québec», a-t-il commenté.

M. Ignatieff a tenu à souligner qu'il n'entretenait pas de rancune envers son ancien lieutenant politique. Toutefois, la décision de M. Coderre aura des conséquences à long terme. «C'est la politique. Il n'y a rien de personnel là-dedans. Nous avons un grand caucus avec une grande tradition. Pour chaque geste que l'on fait, il y a des conséquences. Je suis très clair là-dessus. M. Coderre le sait très bien», a-t-il dit.

Pour sa part, M. Coderre a adopté un ton plus conciliant ce matin sur le site de réseautage Facebook. Il y affirme qu'il «souhaite que les libéraux se rendent nombreux au Congrès du PLC (Q) dimanche à Québec. Ma démission doit être interprétée comme une incapacité à faire mon travail de lieutenant point. Il n'y a jamais eu de problèmes au Québec ou avec le Québec».