Au lendemain de la démission fracassante de Denis Coderre du poste de lieutenant de Michael Ignatieff au Québec, les libéraux ont tenté de démontrer leur unité tandis que leurs rivaux se sont délectés de cette bisbille.

De passage à Laval, M. Ignatieff a prononcé un «discours rassembleur», hier soir, devant 150 militants libéraux réunis à un cocktail de financement. Le chef libéral a remplacé à la dernière minute Denis Coderre, qui devait d'abord présider l'événement, mais qui brillait pas son absence, hier soir.

 

«Le discours de M. Ignatieff rappelait aux libéraux présents qu'ils sont ensemble parce qu'ils ont des valeurs libérales communes, qui sont celles des Canadiens et des Québécois», a dit Raymonde Folco, députée libérale de LavalLes Îles.

Avant son allocution à laquelle les médias n'étaient pas conviés, M. Ignatieff a tenu à répondre aux critiques formulées par Denis Coderre quant au pouvoir de ses conseillers torontois au Québec.

«Les questions d'organisation et de candidatures qui étaient soulevées dans les dernières semaines étaient soulevées au Québec par des Québécois, a dit M. Ignatieff. Et ces questions vont être réglées au Québec par des Québécois sous mon leadership. Point à la ligne.»

Rappelons que, lundi, froissé par la décision de M. Ignatieff de permettre à l'ancien ministre de la Justice Martin Cauchon d'être candidat dans la circonscription d'Outremont, alors que M. Coderre lui avait préféré la femme d'affaires Nathalie Le Prohon, le lieutenant politique a claqué la porte.

M. Coderre a déploré que les décisions concernant le Québec soient prises «à Toronto» par la «garde rapprochée» de M. Ignatieff. Cinq organisateurs politiques ont suivi l'exemple de M. Coderre et ont remis leur démission le même jour.

Du bout des lèvres, Michael Ignatieff a admis avoir traversé une période difficile. «Ça n'a pas été la semaine la plus facile de ma vie, a-t-il dit. Mais sincèrement, je préfère aimer les problèmes que j'ai. Un chef de parti a toujours des problèmes. Et nous allons tous les résoudre un part un.»

Des députés à la rescousse

Également désireux de calmer le jeu, des députés du Québec sont venus parler aux médias à l'issue de la période des questions, hier.

«On a perdu M. Coderre, c'est dommage, a dit le président des députés du Québec, Marc Garneau, député de Westmount-Ville-Marie. Malheureusement, il s'est laissé emporter par ses émotions, mais la réalité, c'est que le parti a fait beaucoup de progrès au Québec et au pays. Notre membership a augmenté, nos coffres sont plus remplis et on est prêts.»

«Il ne faut pas exagérer sur la question de l'unité à l'intérieur du Parti libéral parce qu'elle est là, l'unité», a-t-il ajouté. Selon lui, les incidents de la veille sont imputables à l'«ego blessé» de M. Coderre.

«Ce n'est pas Toronto qui prend des décisions par rapport au Québec. On a toute une équipe extraordinaire au Québec de personnes qui non seulement connaissent très bien le Québec, mais qui sont aussi capables de conseiller le chef, dont Jean-Marc Fournier et Marc-André Blanchard», a dit la députée libérale de Brossard-La Prairie, Alexandra Mendès.

Les adversaires misent sur la dissension

Les adversaires des libéraux, eux, n'ont pas manqué de récupérer cette image de dissension à leur avantage.

«Ce que le député de Bourassa (M. Coderre) vient de découvrir au sujet de son chef, nous, conservateurs du Québec, nous le savons depuis fort longtemps. On ne peut pas faire confiance à un chef libéral, a estimé la députée conservatrice de Beauport-Limoilou, Sylvie Boucher. Sa vision du Québec et du Canada est l'image de son propre reflet dans son miroir. Au diable «l'intérêt supérieur de la nation». Ce qui est important pour le chef libéral, c'est de prendre le pouvoir.»

Les arguments de M. Coderre servent aussi la cause du Bloc québécois, qui répète inlassablement que les conservateurs et les libéraux ont la même vision, notamment par rapport au Québec.

Lundi, le chef bloquiste, Gilles Duceppe, avait affirmé que dans tous les partis pancanadiens, les Québécois «doivent se plier aux diktats du reste du Canada». Hier, il en a rajouté: selon lui, la seule différence est que le Parti libéral est «dirigé de Toronto» et le Parti conservateur, «de Calgary.»

Absent du parlement hier, M. Coderre devrait aussi manquer la réunion hebdomadaire des députés du Parti libéral aujourd'hui. Reste à savoir s'il assistera dimanche au congrès de l'aile québécoise du PLC à Québec.