Nouveau coup de théâtre à Ottawa: le NPD, qui a toujours voté contre les mesures proposées par les conservateurs depuis leur arrivée au pouvoir en 2006, se dit maintenant prêt à assurer la survie du gouvernement minoritaire de Stephen Harper jusqu'à nouvel ordre.

Séduit par l'engagement du gouvernement conservateur d'accorder jusqu'à 20 semaines de plus de prestations pour les travailleurs de longue date ayant perdu leur emploi, le NPD veut s'assurer que ces nouvelles mesures soient adoptées avant de songer à précipiter le pays en élections.Cette décision, annoncée mercredi par le leader adjoint du NDP, Thomas Mulcair, à l'issue d'une réunion du caucus, permet d'écarter le scénario d'élections générales à l'automne puisque les conservateurs ont besoin de l'appui d'un seul des trois partis de l'opposition pour se maintenir au pouvoir.

Concrètement, cela veut dire que le NPD votera en faveur de la motion de voies et moyens qui sera déposée demain et qui vise à mettre en oeuvre certains éléments du dernier budget, dont le crédit d'impôt pour la rénovation résidentielle. Cette motion engage la confiance de la Chambre des communes. Le Bloc québécois entend aussi voter en faveur de cette motion.

En outre, le NPD n'a pas l'intention d'appuyer la motion de censure envers le gouvernement Harper que compte déposer le Parti libéral au début du mois d'octobre si les modifications au régime d'assurance emploi proposées par la ministre des Ressources humaines ne sont pas adoptées d'ici là. L'adoption de ces mesures pourrait prendre quelques semaines.

Les libéraux de Michael Ignatieff sont déterminés à provoquer la chute du gouvernement Harper à la première occasion afin de forcer la tenue d'élections générales.

Prolongation des prestations

La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, a indiqué lundi qu'Ottawa comptait injecter 935 millions de dollars afin de permettre à certains travailleurs d'obtenir entre cinq et 20 semaines de prestations d'assurance emploi de plus. Cette mesure temporaire toucherait environ 190 000 chômeurs et serait rétroactive de neuf mois à partir de son entrée en vigueur.

«Notre priorité est de faire fonctionner le Parlement dans l'intérêt des Canadiens. Notre caucus est déterminé à aider le plus possible et le plus rapidement possible les chômeurs qui en ont besoin. Nous devons être conséquents avec nous-mêmes. Nous n'allons pas faire de geste qui pourrait interrompre la possibilité que cet argent-là (935 millions) se retrouve dans les poches des chômeurs», a affirmé Thomas Mulcair.

Cela dit, le gouvernement Harper devra s'abstenir de proposer des mesures controversées uniquement pour provoquer les autres partis, a dit M. Mulcair.

Résultat: la Chambre des communes semble amorcer une certaine période de stabilité grâce à cette décision du NPD alors que d'aucuns s'attendaient au déclenchement rapide d'une campagne électorale, la quatrième en cinq ans.

Dans la foulée de cette décision, les stratèges conservateurs croient maintenant possible que le gouvernement Harper puisse gouverner en toute quiétude jusqu'au prochain budget, prévu en février ou en mars.

Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, a affirmé que le NPD doit maintenant vivre avec ses propres contradictions, rappelant que les troupes de Jack Layton avaient fréquemment accusé le Parti libéral de n'avoir aucun principe lorsqu'il appuyait le gouvernement Harper durant les votes de confiance, notamment ceux portant sur le budget.

«Je crois que M. Layton devrait expliquer aux travailleurs, aux gens, en quoi c'est cohérent avec ses positions antérieures. Moi, j'ai pris ma décision en tant que chef de l'opposition officielle. Ce gouvernement n'est pas à la hauteur des attentes légitimes des Canadiens. C'est ma décision. C'est aux autres à s'expliquer», a affirmé le chef libéral après avoir pris connaissance de la décision du NPD.

Le député libéral de Beauséjour, Dominic LeBlanc, a été plus cinglant. «Le NPD s'est laissé acheter pour franchement pas beaucoup. Ils avaient des revendications pour l'assurance emploi telles que diminuer à 360 heures le nombre d'heures nécessaires pour avoir accès aux prestations, augmenter les bénéfices à 60%, enlever les deux semaines d'attente. Ils n'ont rien eu de cela. Si Tommy Douglas était encore en vie, il aurait honte du leadership du NPD de Jack Layton aujourd'hui», a-t-il dit.

Mais M. Layton a fait peu de cas de ces attaques.

«Nous croyons qu'un milliard de dollars pour les chômeurs est une décision plus sage en ce moment qu'un tiers de milliard de dollars pour tenir des élections. Cela, c'est certain. Il y a beaucoup de familles qui ont besoin d'aide et nous sommes ici pour défendre la cause des chômeurs», a dit M. Layton.

Pour sa part, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a réitéré que son parti compte appuyer la motion de censure des libéraux.

«J'ai dit clairement que c'est toujours enjeu par enjeu. Mais il n'est pas question de donner une bénédiction sur l'oeuvre générale de ce gouvernement. Nous n'avons pas confiance en ce gouvernement», a-t-il dit.