La volonté du gouvernement Harper de bonifier les prestations d'assurance emploi est venue tout chambouler hier à Ottawa. Les élections qui semblaient inévitables seront vraisemblablement reportées parce que les conservateurs ont trouvé, chez les néo-démocrates, d'improbables sauveurs.

Le gouvernement minoritaire de Stephen Harper semble avoir obtenu un sursis d'au moins trois semaines après avoir proposé hier d'accorder jusqu'à 20 semaines de plus de prestations aux travailleurs de longue date qui ont perdu leur emploi.

Cette mesure a été bien accueillie par le chef du NPD, Jack Layton, qui a promis de l'étudier plus à fond avant d'arrêter sa décision. Mais tout indique que les troupes néo-démocrates, qui ne souhaitent pas d'élections générales cet automne, sont prêtes à accorder leur appui au gouvernement Harper jusqu'à ce que les modifications proposées au régime d'assurance emploi soient adoptées aux Communes.

Résultat : le gouvernement conservateur devrait aisément survivre au premier vote de confiance de la session parlementaire, qui doit avoir lieu vendredi. Ce vote porte sur une motion de voies et moyens visant à mettre en oeuvre cinq mesures du dernier budget, dont le crédit d'impôt pour la rénovation résidentielle, le crédit d'impôt pour l'achat d'une première habitation et l'augmentation de la prestation fiscale pour le revenu de travail.

Les conservateurs, qui détiennent 143 des 308 sièges aux Communes, ont besoin de l'appui d'au moins un parti de l'opposition pour se maintenir au pouvoir. Hier, le NPD et le Bloc québécois se sont dits prêts à voter en faveur de la motion de voies et moyens si elle ne contient pas de cadeau empoisonné.

Les députés et ministres ont passé une bonne partie de la journée hier à spéculer sur les possibilités que le pays soit plongé en élections pour la quatrième fois en cinq ans. Depuis que les libéraux de Michael Ignatieff ont indiqué leur intention, il y a deux semaines, de renverser le gouvernement Harper à la première occasion, tous les partis se préparent à une bataille électorale cet automne.

Mais la fièvre électorale a diminué de quelques degrés, hier, après que le NPD eut salué la décision du gouvernement de bonifier le programme d'assurance emploi. Les stratèges du NPD croient pouvoir obtenir d'autres concessions de Stephen Harper et n'écartent pas l'idée de proposer des amendements au projet de loi qui sera déposé cette semaine.

« Il y a présentement 1,6 million de chômeurs au Canada, et des milliers d'autres vont être mis à pied cet hiver, malheureusement. Et la plupart des économistes s'entendent pour dire que les pertes vont continuer au moins jusqu'au printemps. Ces gens-là ont besoin d'aide», a affirmé hier Jack Layton en point de presse.

« L'annonce d'aujourd'hui semble être un pas dans la bonne direction. Il en reste beaucoup à faire. Notre préférence, c'est de travailler pour aider les chômeurs et les sans-emploi, pas de retourner en élections. Mais il n'est pas question pour nous de suivre la recette de Stéphane Dion et Michael Ignatieff. Il n'y aura aucun chèque en blanc de la part du NPD», a ajouté M. Layton.

Cette ouverture du NPD au compromis a suscité les moqueries des libéraux.» Je trouve curieux qu'après avoir décrié pendant des semaines l'idée d'une coalition, le premier ministre multiplie les efforts pour en former une avec les gens qu'il qualifiait de socialistes pas plus tard que ce matin», a lancé le chef libéral durant la période de question.

Depuis que les conservateurs sont au pouvoir, le NPD a toujours voté contre le gouvernement Harper, laissant ainsi le fardeau d'abord aux bloquistes, puis aux libéraux de venir à sa rescousse.

Visiblement mal à l'aise dans sa nouvelle position, le chef du NPD s'est contenté de lire une brève déclaration à la sortie de la Chambre, sans répondre à aucune question, contrairement à son habitude.

Stephen Harper a pour sa part tenté de profiter de la vive opposition des Canadiens à la tenue d'un autre scrutin.» C'est clair que la population ne veut pas d'élections. Le pays n'a pas besoin d'élections. Ce n'est pas dans les intérêts supérieurs du pays. La priorité, pour le gouvernement et pour la population, c'est l'économie», a affirmé M. Harper.

Même s'il survit au vote de confiance, vendredi, le gouvernement Harper n'est pas au bout de ses peines. Le Parti libéral compte en effet déposer une motion de censure envers le gouvernement durant la journée de l'opposition qui lui sera accordée au début du mois d'octobre. En principe, cette journée doit lui être attribuée deux jours après la présentation du troisième rapport sur l'état de santé de l'économie, prévue le 28 septembre.

Les Communes ne siègent pas la semaine prochaine en raison de la tenue, pendant deux jours, du sommet du G20 à Pittsburgh, auquel M. Harper doit participer.