Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, a senti le besoin hier de réitérer qu'il écarte l'idée de former un gouvernement de coalition avec le NPD et soutenu par le Bloc québécois après les prochaines élections.

Le chef libéral a décidé de revenir sur cette question quelques heures après que le Parti conservateur eut lancé une offensive publicitaire sur certains réseaux de télévision anglophones jeudi soir. Dans cette publicité, on accuse M. Ignatieff de vouloir former une nouvelle coalition avec le NPD et le Bloc québécois afin de s'emparer du pouvoir à Ottawa, même s'il perd les prochaines élections.

 

En point de presse dans le foyer de la Chambre des communes, M. Ignatieff a affirmé au contraire que son objectif est de remporter les prochaines élections et de former un gouvernement libéral qui travaillera ponctuellement avec les autres partis pour faire fonctionner le Parlement.

Le chef libéral avait tenu des propos semblables, jeudi après-midi, à Montréal, alors qu'il commentait les déclarations du premier ministre Stephen Harper prononcées devant des militants conservateurs la semaine dernière à Sault-Sainte-Marie.

M. Harper avait alors affirmé que le Parti conservateur devait à tout prix obtenir une majorité à la Chambre des communes aux prochaines élections afin d'empêcher Michael Ignatieff de prendre le pouvoir à la tête d'un gouvernement de coalition avec les « socialistes « et soutenu par « les séparatistes «.

« L'enregistrement clandestin de M. Harper que nous avons tous vu cette semaine explique tout. Stephen Harper pense qu'il mérite un gouvernement majoritaire. Pour obtenir cette majorité, il dit que le Parti libéral est prêt à former une coalition. Permettez-moi de vous dire très clairement ceci : le Parti libéral ne consentira pas à former une coalition. En janvier dernier, nous n'étions pas favorables à une coalition. Et aujourd'hui, nous ne sommes pas plus favorables à une coalition, ni aujourd'hui ni demain «, a affirmé M. Ignatieff.

Il a ajouté qu'il n'avait pas besoin de former une coalition pour prendre le pouvoir, affirmant qu'il était un leader capable de travailler avec les autres partis politiques. « Je ne crois pas que les Canadiens veulent une coalition «, a-t-il dit.

Interrogé à savoir s'il était prêt à former une coalition s'il perdait les élections pour supplanter les conservateurs, M. Ignatieff est resté vague. « Je n'aime pas du tout cette hypothèse. S'il y a des élections, je chercherai l'appui des Canadiens pour former un bon gouvernement libéral «, a-t-il dit.

En décembre dernier, le Parti libéral, alors dirigé par Stéphane Dion, avait conclu un accord formel avec le NPD et soutenu par le Bloc québécois afin de renverser le gouvernement Harper et le remplacer par un gouvernement de coalition.

Tous les députés libéraux avaient signé une lettre d'appui à ce projet de coalition, dont Michael Ignatieff. Il avait toutefois été le dernier député libéral à le faire. M. Harper a finalement évité une défaite aux Communes en prorogeant le Parlement pendant six semaines en décembre, quelques jours avant le vote crucial.

Fort impopulaire dans le Canada anglais, cette coalition avait été bien accueillie au Québec.

La coalition a toutefois volé en éclats le jour du dépôt du budget fédéral le 27 janvier, quand M. Ignatieff a décidé d'appuyer le budget de relance du gouvernement Harper.

Immédiatement après le point de presse de M. Ignatieff, les stratèges conservateurs ont envoyé aux journalistes des extraits d'une conférence de presse donnée par le chef libéral le jour même où il a remplacé Stéphane Dion à la barre du PLC, le 10 décembre 2008. M. Ignatieff avait déclaré : « Je suis prêt à former un gouvernement de coalition et à diriger ce gouvernement afin d'offrir au Canada la stabilité et la sécurité dont il a besoin. «

Le député conservateur de Lévis-Bellechasse, Steven Blaney, a soutenu que M. Ignatieff n'a pas totalement écarté l'idée d'une coalition. « Michael Ignatieff a cafouillé quand on lui a posé la question sur la coalition. En plus, il y a 10 mois, il a signé un pacte avec le Bloc québécois et le NPD pour former une coalition. C'est M. Zigzag. «

M. Blaney en a profité pour décocher une flèche au chef bloquiste Gilles Duceppe. « En votant pour des élections, Gilles Duceppe devient le nouveau valet de service du Parti libéral du Canada. En déclenchant des élections, il donne son vote au parti qui a torpillé l'accord du lac Meech, au parti qui est encore empêtré dans le scandale des commandites. Et il s'oppose au Parti conservateur qui règle le déséquilibre fiscal, qui augmente les transferts aux provinces, qui reconnaît la nation québécoise «, a dit M. Blaney.

Le Bloc déçu

Le Bloc québécois s'est dit déçu de la décision de Michael Ignatieff de rejeter une coalition avant même les élections. « C'est extrêmement décevant. M. Ignatieff achète finalement la thèse de M. Harper voulant que toute forme de coalition, d'alliance avec les socialistes du NPD et les séparatistes du Bloc québécois serait contre nature. C'est dommage. M. Ignatieff nous dit qu'il va agir de la même façon que M. Harper même s'il est minoritaire «, a dit le député bloquiste Pierre Paquette.

Il a ajouté que le Bloc québécois n'écarterait pas de soutenir un gouvernement de coalition formé par le Parti libéral et le NPD s'il offrait des politiques favorables au Québec, comme c'était le cas en décembre dernier.

« M. Ignatieff aurait dû se laisser toutes les portes ouvertes pour montrer qu'il était prêt dans toutes les circonstances à faire fonctionner le Parlement d'une manière différente de celle de M. Harper. Mais ce sera la même approche «, a-t-il dit.