Tout autant que le premier ministre Stephen Harper, le chef libéral Michael Ignatieff est devenu l'homme à abattre pour le Bloc québécois.

Dans une publicité électorale agressive, le parti de Gilles Duceppe martèlera que MM. Harper et Ignatieff, bien qu'ils représentent deux partis distincts, ont le même «regard» sur les enjeux québécois.Mardi, à l'issue d'une réunion de ses députés à Québec, Gilles Duceppe a reconnu que, après un reportage de La Presse, le Bloc avait décidé de rendre public sur-le-champ le message publicitaire qu'il souhaitait retenir quelques jours encore, histoire de voir la tournure des événements aux Communes. «On s'ajuste», a-t-il laissé tomber.

«Vision restrictive de la nation québécoise»

Sous le titre Deux partis, un regard, la publicité destinée aux quotidiens présente deux moitiés des visages de MM. Harper et Ignatieff, qui ont «la même vision restrictive de la nation québécoise. La même façon de voter en Chambre. Les mêmes résultats pour la langue, la culture, les travailleurs, l'environnement.»

Ce message «ne contient aucune attaque personnelle», a souligné M. Duceppe, qui se défend de recourir à de la publicité «négative» pour combattre l'adversaire.

Le PLC vient de rendre publiques des publicités où M. Ignatieff s'en prend à Stephen Harper. «Or, le chef libéral a les mêmes positions que M. Harper sur tout ce qui est essentiel pour le Québec», soutient Gilles Duceppe: les deux sont en faveur de l'exploitation des sables bitumineux, s'opposent à l'application de la loi 101 dans les organismes qui relèvent du Code fédéral du travail et sont favorables à la mise en place d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières, insiste le chef bloquiste.

Au lendemain de la publication de sondages qui montrent que le PLC n'est pas très loin derrière le Bloc au Québec, il a particulièrement visé le chef libéral: «Les Québécois doivent savoir que Michael Ignatieff ne propose aucune ouverture au Québec.»

Il élude la question quand on relève que, par le passé, les campagnes bloquistes ne faisaient pas grand cas du chef de l'opposition aux Communes et que le Bloc n'avait pas la même agressivité à l'endroit de Stéphane Dion. «On était en situation de gouvernement minoritaire. On a actuellement deux adversaires dont l'un tente de se distinguer de l'autre», a servi Gilles Duceppe comme réponse.

Jusqu'ici, dans ses campagnes publicitaires, le Bloc avait toujours mis en relief l'importance de son rôle à Ottawa plutôt que d'attaquer ses adversaires. Hier, M. Duceppe a rappelé que, en 2004, le Bloc avait mené une campagne préélectorale contre Paul Martin, en fait un «livre noir» sur le gouvernement libéral.

Du côté des conservateurs, le ministre Jean-Pierre Blackburn a soutenu: «Nous, on se distingue des libéraux. On ne veut pas de campagne électorale, on veut travailler sur l'économie.» Il a promis une réponse «législative ou réglementaire» aux attentes des chômeurs. «Par règlement, cela pourra avoir un effet même si le gouvernement est défait», explique-t-il.

«Publicité très négative»

Pour sa part, Michael Ignatieff a soutenu qu'il «s'agit d'une publicité très négative», bien différente de celle que le PLC a rendue publique il y a quelques jours, dans laquelle le chef libéral traite pourtant d'«irresponsable» le premier ministre Harper.

Joint par La Presse, son lieutenant québécois, Denis Coderre, souligne que, par sa publicité, le Bloc a pris acte d'une «réalité Ignatieff» au Québec: «Ils ont décidé d'être agressifs parce qu'ils sentent que Michael Ignatieff gruge du terrain dans toutes les régions au Québec», a lancé M. Coderre.

Jusqu'ici le Bloc avait toujours mis en relief l'importance de son rôle à Ottawa plutôt que d'attaquer ses adversaires en campagne publicitaire. Aujourd'hui, M. Duceppe a rappelé que le Bloc avait eu une pré-campagne publicitaire sur Paul Martin en 2004. L'arrivée de l'ancien ministre des Finances après Jean Chrétien soulevait alors bien des craintes du côté des organisateurs bloquistes.

Il s'est dit convaincu qu'il y aurait des élections cet automne. Le Bloc a des candidats pratiquement choisis dans 67 des 75 comtés du Québec.

Duceppe favorable au Moulin à paroles

Par ailleurs, M. Duceppe soutient ne voir aucun problème à la tenue du rassemblement nationaliste le Moulin à Paroles sur les Plaines d'Abraham, même si on doit y faire lecture du manifeste du FLQ, dont la lecture sur les ondes de Radio-Canada faisait partie des exigences des ravisseurs de Richard Cross, en octobre 1970.

Le fameux manifeste a même été lu l'an dernier dans une représentation au Centre national des Arts à Ottawa a rappelé le chef bloquiste. «Cela fait partie de l'histoire du Québec, il ne faut pas revenir à l'époque de Duplessis où on faisait comme si le Rapport Durham n'existait pas», a-t-il soutenu.

Selon lui, ce texte fait partie de l'histoire du Québec. Il y aura aussi des textes de Lord Durham qui seront lu à l'événement de la fin de semaine. «Cela ne veut pas dire qu'on est d'accord avec ça !», a précisé Gilles Duceppe.

Pour lui, le rassemblement est bien différent de celui prévu le printemps dernier, où on conviait les citoyens de Québec à «célébrer» la Conquête de 1759. «On fêtait à ce moment là... c'était une fête. Les ministres conservateurs disent que l'on cautionne la violence avec le manifeste du FLQ, eux voulaient célébrer la bataille qui avait causé beaucoup plus de morts qu'octobre 1970» a-t-il lancé.

Ironiquement M. Duceppe a conclu : à la prochaine visite du président Nicolas Sarkozy, le premier ministre Charest interdira que l'on joue la Marseillaise : «Cela commence par : Aux armes citoyens !» a-t-il rappelé.

Au cours des derniers jours, le gouvernement Charest avait tenu aussi à prendre ses distances de l'événement, le premier ministre Charest et son ministre responsable de Québec, Sam Hamad soutenant que la lecture du manifeste felquiste venait cautionner le recours à la violence.