Le bureau du premier ministre Stephen Harper s'est fait rappeler à l'ordre par le bureau du Conseil privé, il y a quelques mois, pour avoir octroyé un contrat de près de 24 500$ verbalement. Ce qui ne l'a pas empêché de recommencer quelques jours plus tard.

C'est ce que révèlent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Le contrat en question a été conclu en mars dernier avec Ari Fleischer, l'ancien attaché de presse de George W. Bush, pour que sa firme fournisse des conseils en matière de communications à l'entourage du premier ministre canadien en vue du sommet du G20 qui s'est tenu à Londres, au début du mois d'avril.

À l'époque, le gouvernement souhaitait faire la promotion du libre-échange et exprimer son opposition au protectionnisme américain. M. Fleischer avait entre autres organisé des entrevues de Stephen Harper à Fox News et CNN.

Or, la manière dont ce contrat a été octroyé - sans documentation préalable - a visiblement déplu aux fonctionnaires chargés de surveiller l'octroi de contrats du bureau du Conseil privé, qui ont fait de véritables remontrances aux employés du bureau du premier ministre.

«En plus de la documentation que vous nous enverrez, nous exigeons une approbation du chef de cabinet expliquant qu'il est au courant qu'il s'agit d'un contrat rétroactif», a écrit à la fin mars un employé du bureau du Conseil privé à la gestionnaire des opérations du bureau du premier ministre, Geraldine Hyland.

De plus, a ajouté cet employé, le chef de cabinet «doit nous fournir les raisons pour lesquelles le travail a été fait sans un contrat et quelles procédures, s'il y en a, ont été mises en place pour empêcher que cela se reproduise».

Le chef de cabinet du premier ministre Harper, Guy Giorno, a répondu une semaine plus tard. «J'ai été mis au courant que les services de M. Fleischer ont été retenus sans avoir rédigé de contrat écrit», a-t-il écrit dans une note de service adressée à une autre employée du Conseil privé.

«C'était une situation extraordinaire en ce que les services de M. Fleischer ont été requis dans un délai très court», a-t-il justifié.

Dimitri Soudas, attaché de presse de Stephen Harper, a déclaré qu'il était contre les pratiques du bureau du premier ministre d'octroyer un contrat verbal. «Il n'y a aucun contrat verbal qui est conclu par le bureau du premier ministre», a-t-il commencé par dire.

«Dans ce cas-ci, étant donné que les services étaient requis à très brève échéance, ils ont été retenus avant que le contrat écrit ne soit en place. Mais le contrat écrit a suivi. Cette façon de faire n'est pas inhabituelle dans certaines situations exceptionnelles. Mais je réitère qu'elle respecte toutes les règles établies.»

Un porte-parole du Conseil du Trésor a précisé que le fait de conclure des contrats de manière verbale n'était pas expressément prohibé par les règles du gouvernement. «La politique du Conseil du Trésor ne l'empêche pas, mais elle ne l'encourage pas non plus», a expliqué Pierre-Alain Bujold.

Un deuxième contrat verbal

Par ailleurs, le bureau du Conseil privé a confirmé à La Presse qu'un autre contrat verbal de moins de 25 000$ avait été attribué à la société de M. Fleischer, pour la période couvrant le mois suivant la fin de son premier mandat, soit du 15 avril au 15 mai. Encore une fois, l'entente a été conclue verbalement. Mais la porte-parole du bureau du Conseil privé, Myriam Massapli, n'a pas été en mesure d'en préciser le montant, sous prétexte que M. Fleischer n'avait pas encore été payé pour ce second mandat.

En principe, le gouvernement doit passer par des appels d'offres avant d'attribuer des contrats. Or, comme il existe une exception à cette règle pour les contrats de moins de 25 000$, il n'est pas rare dans les rapports du gouvernement de voir des contrats pour environ 24 500$.

Dans ce cas-ci, en plus du contrat avec Ari Fleischer Communications, le gouvernement a aussi eu recours aux services de l'ancien porte-parole de Bill Clinton, Mike McCurry, contre une rétribution semblable.

Dimitri Soudas n'a pas voulu dire si son patron aurait encore une fois recours aux services de ces deux ténors de la communication politique en vue du sommet du G20 qui se tiendra à Pittsburgh, à la fin de septembre. «On ne peut jamais exclure la possibilité d'avoir les services de professionnels pour des travaux nécessaires, a-t-il laissé tomber. Mais pour le moment, pour le contrat écrit qui a été signé, les services requis ont été rendus.»

Avec la collaboration de William Leclerc