Le gouvernement fédéral portera devant la Cour suprême le jugement de la Cour d'appel fédérale qui l'oblige à demander aux États-Unis le rapatriement du Canadien Omar Khadr, emprisonné à Guantánamo depuis près de sept ans.

Selon Radio-Canada, le gouvernement de Stephen Harper déposera bientôt une motion pour suspendre le jugement de la Cour d'appel fédérale, prononcé il y a 10 jours, en attendant que la Cour suprême se penche sur le dossier.

Il s'agit du deuxième appel du gouvernement conservateur, qui a toujours soutenu que c'est à lui, et non aux tribunaux, qu'incombe la décision de rapatrier les Canadiens détenus à l'étranger. Rappelons que, le 14 août, la Cour d'appel fédérale a confirmé un jugement de la Cour fédérale qui oblige le gouvernement à rapatrier Omar Khadr, emprisonné à Guantánamo depuis l'âge de 15 ans.

La décision de la Cour d'appel fédérale confirme que le gouvernement a bel et bien violé la Charte canadienne des droits et libertés dans l'affaire Khadr. Deux des trois juges ont conclu que les droits constitutionnels d'Omar Khadr avaient été bafoués quand le fruit de ses interviews avec les autorités canadiennes a été rendu aux Américains.

Le ministère des Affaires étrangères n'a pas confirmé la nouvelle de Radio-Canada, lundi soir.

Nathalie Sarafian, attachée de presse du ministre Lawrence Cannon, et Simone MacAndrew, porte-parole du Ministère, n'ont pas répondu aux questions de La Presse.

L'avocat d'Omar Khadr, l'Albertain Dennis Edney, n'a pas été informé de la volonté du gouvernement fédéral d'interjeter appel une nouvelle fois. Si ce désir se concrétise, Me Edney le déplore.

«Il me semble que notre gouvernement est plutôt sélectif quant au genre de Canadiens qu'il souhaite aider. Ça ne le dérange pas d'aider un Blanc anglo-saxon, mais il semble très réticent à aider un citoyen de couleur», a-t-il déclaré. Dennis Edney faisait référence à Brenda Martin, cette Canadienne condamnée pour fraude au Mexique et rapatriée l'an dernier à bord d'un avion nolisé.

«Le cas d'Omar Khadr est traité comme tous les autres cas consulaires: il y a un manque total d'intérêt du gouvernement, qui ne respecte pas les droits des citoyens à l'étranger», a pour sa part déclaré le critique libéral en matière d'affaires consulaires, Dan McTeague, que la décision des conservateurs n'étonne pas.

Il a souligné l'écart qui se creuse entre le Canada et les États-Unis quant au traitement des présumés terroristes. Le gouvernement américain a annoncé hier qu'il ouvrait une enquête sur les méthodes violentes utilisées par la CIA dans ses interrogatoires antiterroristes.

«Le jour même où le gouvernement actuel cherche encore des moyens pour échapper à ses obligations envers les Canadiens à l'étranger, les Américains sont en train de changer leurs méthodes d'interrogation», a souligné M. McTeague.

Hier, les États-Unis ont également renvoyé un des plus jeunes détenus de Guantánamo, Mohammed Jawad, vers son pays d'origine, l'Afghanistan. «Comment se fait-il que le gouvernement américain commence à respecter ses engagements, alors que nous, au Canada, ne sommes pas capables de ça?» a demandé Béatrice Vaugrante, directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone.

«On croyait que ce gouvernement avait atteint le fond, mais il creuse encore», a conclu Mme Vaugrante, qui qualifie d'»absolument lamentable» l'attitude des Conservateurs dans le dossier d'Omar Khadr.