Hypocrisie, inaction, déresponsabilisation; au lendemain de l'annonce, par Énergie atomique du Canada, d'un nouveau délai pour la réouverture du réacteur nucléaire de Chalk River, l'opposition et les intervenants du milieu blâment le gouvernement fédéral pour leur réaction à la crise.

En fin de journée mercredi, l'agence fédérale EACL a publié un communiqué de presse indiquant que la centrale de Chalk River ne serait pas rouverte avant le premier trimestre de 2010. Le réacteur nucléaire produisait 40% de l'approvisionnement mondial en isotopes médicaux, nécessaires aux diagnostics de cancer, jusqu'à sa fermeture temporaire en mai dernier.

 

Le premier ministre Stephen Harper s'est dit «déçu», hier, de ce nouveau délai. Le réacteur ne devait, au départ, être hors de service que pour un mois.

«Nous espérons avoir plus d'actions plus vite de la part d'Énergie atomique du Canada. Nous continuons à les pousser pour qu'ils puissent assurer l'approvisionnement en isotopes dès que possible», a dit M. Harper, de passage à Kitchener, en Ontario.

«C'est hypocrite», s'est insurgé le critique libéral en environnement, David McGuinty. Selon lui, plutôt que de prendre ses responsabilités, le gouvernement blâme EACL parce qu'il veut «se débarrasser» de cette agence étatique, la privatiser et sortir le gouvernement de l'industrie nucléaire.

«C'est une stratégie délibérée du premier ministre pour dévaluer la société de la Couronne et légitimer éventuellement aux Canadiens que tout est pourri là-dedans et qu'on abandonne complètement le secteur», a estimé M. McGuinty.

Au milieu de la crise des isotopes, au printemps, le premier ministre Harper avait annoncé à brûle-pourpoint que le Canada se retirerait de la production d'isotopes médicaux lorsque le réacteur de Chalk River aurait atteint la fin de sa vie utile.

Le Bloc québécois et le NPD, de même que les libéraux, réclament depuis le printemps des solutions à court, mais aussi à long terme pour pallier la pénurie d'isotopes dans le monde, qui sera vraisemblablement aggravée par la fermeture temporaire d'autres réacteurs, en Europe notamment. L'Association québécoise des établissements de santé et services sociaux (AQESSS) estime que la pénurie d'isotopes coûtera 10 millions de dollars au réseau si la crise dure un an, seulement pour le Québec. L'opposition et les intervenants du milieu somment Ottawa de dédommager les provinces pour les coûts supplémentaires «puisque c'est le gouvernement fédéral qui est responsable de la crise», a jugé le Dr François Lamoureux, président de l'Association des spécialistes en médecine nucléaire du Québec.

Réparation imminente

Contrairement aux précédents rapports d'EACL sur la centrale de Chalk River qui restaient vagues sur les dates de réouverture, cette fois-ci les dirigeants sont catégoriques: le réacteur nucléaire pourra reprendre du service au premier trimestre de 2010, vraisemblablement à l'hiver prochain. «Nous faisons encore des vérifications pour comprendre les mécanismes de corrosion, mais tous ces tests n'auront pas pour effet de prolonger les délais parce qu'ils seront faits en parallèle avec la stratégie de réparation que nous avons adoptée», a dit Hugh MacDiarmid, président-directeur général d'EACL, en entrevue à La Presse.

Au total, les inspections ont révélé neuf endroits endommagés, qui, plutôt qu'être traités séparément, seront vraisemblablement réparés ensemble, à l'aide d'un procédé de renforcement par soudure.